Les Royaumes de Feu D'après l'œuvre de Tui T. Sutherland |
| | (Roman) La Destinée de Xyria. | |
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Xyria Admin
Médailles : Émeraudes : 6187 Messages : 9467 Date d'inscription : 05/06/2015 Age : 32
Description du dragon Race: Ailes du Ciel. Avertissement: (0/3) Bannissement: (0/3)
| Sujet: (Roman) La Destinée de Xyria. Mar 13 Nov - 21:05 | |
| - Chapitre 1:
Les ombres dansent autour de moi, dans un tourbillon sans fin qui me donne le tournis et m'empêche de me concentrer sur un point précis. Chaque ombre possède deux points rouges lumineux qui évoquent des yeux de braise qui me scrutent l'âme et me plongent dans l'effroi. J'entends des hurlements, des hurlements de terreur et de désespoir, les hurlements des innocents fauchés par la mort. Je cherche à m'enfuir, je cours sur une surface dure que je ne peux pas voir, mais je suis encerclée. J'essaie de crier, mais ma gorge est trop serrée par la terreur pour n'émettre plus qu'un sifflement de dragonnet effrayé. Et soudainement, le sol se dérobe sous mes pattes. Dans un cris silencieux, je tombe dans les ténèbres...
Ma gorge se débloque et que mon cri perce la nuit alors que je me réveille en sursaut, la respiration rapide, les griffes agitées et la queue battante, avec l'impression que mon cœur est sur le point d'exploser. Il me faut un instant pour me rendre compte que tout-cela n'avait été qu'un simple cauchemar. Mais un cauchemar qui m'avait plongé dans un tel état de terreur qu'il me faut plusieurs minutes avant de retrouver mes esprits et une respiration normale. Ma pauvre Camunia... pour une dragonne considérée comme une grande chasseuse dans ton clan, la compagne d’un chef, voilà qui n'est pas très glorieux d'avoir peur d'ombres qui n'existent même pas.
Je prend le temps de me remettre les idées en place, les yeux fermés. Ma respiration ralentit doucement. Ce n'était qu'un rêve, tout-cela est derrière moi. Je sais ce que ce rêve signifie, je fais le même genre pratiquement toutes les nuits depuis des lunes : mon espèce vient tout-juste de sortir d'un cataclysme qui a manqué de réduire les dragons à néant. Une épidémie destructrice, dont n'a au final survécu que moins d'une centaine d'individus. Une poignée de griffes, comparé à ce que nous étions autrefois, la race la plus imposante et l'une des plus prospère de notre Monde. Ces ombres étaient ceux que j'avais perdu et que je regrettais. Heureusement, l'épidémie, après avoir manqué de nous éradiquer, a disparue seule avec le dernier malade de façon naturelle. Avant de revenir auprès des autres races, nous nous sommes assurés que plus aucun des nôtres n'était malade. Et les fées qui vivent dans les montagnes du Continent des Grands Monts, amies de notre espèce depuis bien longtemps, nous ont offert l'hospitalité, le temps que nous nous remettions et que nous retrouvions un semblant de cohésion.
Je lève le museau et profite d'une légère brise fraîche portant l'odeur sucrée du nectar qui parcourt les galeries de la Ruche. C'est agréable et ça m'aide à finir de me calmer. Mon regard est attiré par une petite ligne verte lumineuse qui se déplace lentement au plafond. Une nymphe, la forme larvaire des fées, s'est glissée jusqu'ici, je ne sais comment. La pauvre, elle a dû quitter son alcôve et se perdre, poussée par la curiosité naturelle des plus jeunes.
Je baisse le museau et soulève mon aile. Au dessous repose mes quatre œufs, ovales et gris pierreux, agités de temps en temps d'un léger soubresaut, signe qu'il ne reste plus que quelques heures avant le moment que j'attends depuis plus d'un an. Alors que j'admire ces quatre petites lueurs de vie, je souris : non, mon espèce n'est pas éteinte. Nous ne sommes plus très nombreux, on peut même dire en voie d'extinction, mais ce n'est qu'une question de temps avant que nos enfants ne se mettent à arpenter le monde et à dominer le ciel. Une chance qu'ils soient sur le point de naître maintenant, après le Cataclysme. Ce dernier avait touché en priorité les plus faibles, les anciens et les petits. Il n'y a eu aucune naissance viable depuis presque deux ans, nous allons être les premiers parents depuis la fin de cette triste période.
Tiens, maintenant que j'y pense : chaque fois que je fais un mauvais rêve et que je me réveille toute effrayée, une douce aile vient m'entourer les épaules pour me réconforter. Je tourne le museau dans tous les sens : où est mon compagnon ? Je souffre de la perte des nôtres, mais pour Rexius, c'est bien pire... il était autrefois le chef de notre clan, mais nous en sommes les deux derniers survivants. Il se considère comme responsable parce qu'il n'a pas pu les sauver, et même si il évite de me le montrer, je sais qu'il se perd souvent dans ses mauvais souvenirs. Si il est quelque-part en-train de ruminer, il est de mon devoir d'être auprès à ses côtés pour lui apporter mon soutien, pour lui rappeler, une fois de plus, que ce n'est pas de sa faute.
Je regarde un instant mes œufs. Ils sont si fragiles, et sur le point d'éclore. Je sais qu'ils ne risquent rien, ici : la Ruche n'est peuplée que de fées, et ces grands insectes à deux-pattes n'ont généralement en tête que le soin à apporter à leur reine et ses œufs, la culture des fleurs dont elles se nourrissent du nectar, ainsi que la préparation de toutes sortes de fêtes dont j'ignore la signification, pour certaines. Quand aux autres dragons, ils sont logés à l'autre-bout du territoire, dans une caverne uniquement prévue pour eux. Nous, nous sommes leurs représentants auprès du peuple féerique, donc nous sommes logés près de la reine. Je peux les laisser un instant, malgré ma petite appréhension. Je serais revenue à-temps pour assister à la cassure.
J'arque le cou et crache un long jet de flammes qui couvre le nid de pierres précieuses sur lequel nous reposons. Le feu de dragon ne fait pas fondre les gemmes, mais ces dernières ont la capacité d'en garder la chaleur durant un long moment et de rester à la température idéale pour l'incubation des oeufs. Le procédé me donne faim, ce qui signifie que ma poche à venin est presque vide. J'ai besoin de graisses, et donc de manger pour la remplir. Mais il est trop tard, et je ne peux pas entamer les réserves qui se trouvent dans un coin de la pièce, elles sont pour nos petits à-naître. Ça attendra demain-matin, je demanderais à Rexius de chasser pour moi tendis que je resterais avec eux...
Une fois à la chaleur idéale, j'enfonce légèrement mes œufs dans le nid, puis je me dresse sur les pattes-arrières pour attraper la nymphe. Je ne peux pas la laisser là. Alors que cette dernière s'agite avec un cri ressemblant à un couinement de souris, je lui dis :
-Cesse de gigoter ou je te mord.
Et, bien que je doute qu'elle m'ait compris, elle se calme... peut-être a-t-elle peur eu de mes crocs ou du timbre menaçant de ma voix. Entre mes trois griffes, la créature est petite, longue et épaisse, un peu comme une chenille, mais plus grosse et couverte d'une carapace verte et luisante, d'où échappe une douce lumière et une chaleur qui irradie mes écailles. Sous cette forme, je la trouve plutôt pitoyable.
Je quitte ma caverne. A gauche, un escalier monte jusqu'à la chambre de la reine... je doute que Rexius y soit, donc je pars de l'autre côté. D'autres cavernes s'ouvrent le long du couloir, et je peux y voir les alvéoles dans lesquelles reposent soit de petits œufs blancs aux bouts en pointe comme des grains de riz, soit d'autres nymphes qui dorment paisiblement.
J'entre dans l'une d'entre-elles et trouve un emplacement vide.
-J'ignore si c'est de là que tu viens...
J'y glisse ma protégée.
-... mais ça conviendra pour cette nuit. Tes sœurs s'occuperont de toi demain.
Puis, alors que je reprend ma route, je me dis que vu que les nymphes ne me comprennent pas, je devrais arrêter de parler toute seule...
Rexius aime regarder les étoiles. Ça l'aide toujours à se détendre quand il est en proie à ses émotions. Peut-être est-il sur le flan de la montagne. Ou alors, il est simplement allé boire. Le point d'eau n'est pas très loin. Je traverse le couloir, assez large pour que deux dragons s'y croisent, et j'en profite pour observer les traces de griffes fossilisées sur les parois. La Ruche est en réalité une ancienne mine de dragons, que nos ancêtres ont creusée afin d'en extraire les pierres précieuses qui forment nos nids. Lorsque nous n'en avons plus eu besoin, les lieux ont été abandonnés, et les fées des Grands Monts ont été autorisées à s'y installer, ce qui leur a permit de devenir la plus grande colonie de tout le continent. C'est à partir de là que nos deux espèces ont commencé à faire des ententes.
Au bout du couloir, je débouche dans une grande caverne. Elle s'ouvre sur le vide, par où les fées et les dragons peuvent s'envoler ou se poser. Par cette ouverture, j'entends des cris. Les fées trouvent toujours une bonne raison de faire la fête, que ce soit pour une naissance particulière, du genre une nymphe royale qui deviendra un jour une reine, ou pour remercier la nature d'une bonne récolte. Je me demande bien ce qui peut les rendre heureuses, cette fois. Mais je ne suis pas d'humeur à me joindre à elles.
Au centre de la pièce coule une petite rivière artificielle, dont l'eau vient du sommet des montagnes, de la fonte des glaces. Rexius est bien là, sa grande masse rouge affalée sur le sol, le museau dans l’eau. Il semble dormir… je montre les dents : si il a encore abusé des baies que l’on trouve dans la forêt alentour, il va m’entendre ! D’autant plus qu’il risque de se noyer, l’imbécile !
Je cours vers lui et l’attrape par la corne pour le forcer à me regarder dans les yeux. J’ai l’intention de le laisser essayer de s’inventer une excuse, puis de lui coller la tête sous l’eau pour le réveiller un bon coup. Mais il n’ouvre pas les yeux. Une salive mousseuse couvre son museau, du sang s’échappe de ses naseaux et de ses oreilles. Je sens que ses écailles sont chaudes comme si son feu était à l’extérieur plutôt qu’à l’intérieur de lui. Et tout les muscles de son corps sont raides, comme pris de courbatures.
Je pousse un cri et le lâche. Sa tête part se cogner sur le sol : les symptômes de Cataclysme ! Mais comment… ? Ça fait des mois que plus aucun dragon n’est tombé malade, et il faut un contact prolongé, ou avec le sang ou les muqueuses de la victime, pour la contracter normalement. Alors comment a-t-il pu l’attraper ? Peut-être le virus a-t-il changé pour devenir aérien, cette fois. Je n’ose plus respirer pendant quelques secondes.
Je baisse tristement le museau en poussant une longue plainte : Rexius va mourir, je le sais. Cataclysme avait pratiquement réduit mon espèce à néant sans que personne ne trouve de remède, et un dragon malade ne tenait jamais plus d’une heure. Il ne survivra pas. Alors que je regarde mon reflet dans l’eau de la rivière, qui me renvoie mon regard ambré plein de larme, je me rend compte qu’une sorte de reflet pale l’entoure. Une sorte de reflet pale ? Mais qu’est-ce que c’est que ça ? Cette eau descend directement du sommet des montagnes, normalement elle devrait être pure et transparente. Je me rapproche un peu et m’aperçois qu’une poudre blanche flotte dans la rivière. Mais alors, Rexius n’a peut-être pas attrapée la maladie naturellement… il a été empoisonné !
Je me dresse avec un grondement de colère et hurle :
-A moi ! A l’assassin !
Avant de faire demi-tour pour parcourir le chemin en sens-inverse. Si un assassin qui s’en prend aux dragons, ou tout du moins a pris ma famille pour cible, se trouve dans la Ruche, alors mes œufs sont aussi en danger ! J’ignore les couinements effrayés des nymphes que j’ai réveillé et je retourne dans ma caverne. Et là, je vois toutes mes plus grandes terreurs se réaliser…
Mes œufs ont été poussés hors de leur nid, et quatre knuckers les entourent. Ces créatures reptiliennes me ressemblent, mais en plus petit, avec des ailes atrophiées, et ils se tiennent sur leurs pattes-arrières, leur long corps serpentiforme dressé et leurs pattes-avants armées d’un long bâton au bout duquel est attachée une griffe blanche. L’un d’entre-eux abat son arme sur l’un de mes œufs, qui se brise et dévoile un petit être frêle et humide, qui se tortille et ouvre la gueule dans un cri silencieux. Sur le point de naître, il est déjà complètement formé, mais semble avoir du-mal à respirer et garde les yeux fermés. Un autre coup lui brise le crâne, au côté de deux autres bébés dragons qui ont déjà subit le même sort. Le quatrième knucker s’apprête à détruire le dernier œuf…
Je rugis :
-Ne touchez pas à mes bébés !
Et dans un geste parfaitement synchronisé, ils se retournent vers moi et me menacent de leurs bâtons. Je me rend compte que ces pointes sont des griffes de dragonnets et bloque un instant. Si elles ont été prélevées sur des cadavres contaminés par Cataclysme, une seule blessure peut m’être fatale…
Alors, plutôt que d’attaquer aux griffes, j’ouvre grand la gueule et les noie dans mon feu. Ils n’ont le temps que de pousser un cri de douleur avant que leurs formes ne disparaissent, alors que l’odeur de la cendre et du sang chaud se met à flotter dans l’air. Il ne reste d’eux que des traces noires sur les gemmes. Je saute en-avant, saisi mon dernier œuf, puis je cours en sens inverse pour retourner dans le couloir…
-Ne bouge pas, dragon !
Dragon ?! Il est très insultant pour une dragonne de se faire traiter de dragon ! Mais je n’ai pas le temps de m’en offusquer : devant moi se dresse un autre bataillon de knuckers. Ceux-ci ne sont pas armés de bâtons à pointe, mais ils me menacent de leurs longues griffes et de leurs crocs dégoulinants de salive. Je les tiens en respect un moment en donnant de grands battements de queue qui ébranlent le sol.
Je ne peux pas me battre ici, pas avec mon œuf, c’est trop dangereux ! Alors je décide de prendre la fuite : je fonce droit sur eux et passe en force, la cou dressé afin d’éviter de me faire trancher la gorge. Je les bouscule et sent la chaire et les os se broyer sous mes pattes. Entre les cris de douleurs et les sifflements, je peux sentir leurs griffes se planter dans mon ventre. L’un d’entre-eux se hisse sur mes piques et essaie de se percher sur mon dos. Je le prend entre mes mâchoires, le sert un grand coup, puis je le recrache plus loin. Je saigne, mais ce ne sont que des égratignures.
Ils me poursuivent tendis que je retourne dans la salle où coule la rivière. Je me perche à l’entrée, prête à me jeter dans le vide… mais je reste un moment les yeux exorbités devant le spectacle qui se joue sous moi : ce que j’ai pris pour une fête, un peu plus tôt, est en réalité une bataille. Autour de la Ruche, les fées se sont créées de petits nids dans des souches d’arbre creusées. Mais la plupart sont maintenant en feu. Les knuckers affrontent les fées et prennent petit-à-petit possession de leurs terres. Quelques pégases et licornes se battent à leurs côté, mais les petits êtres écailleux sont plus nombreux et ont l’avantage d’être carnivores.
Les bruits de pas de mes ennemis retentissent derrière-moi. Je me retourne, mon œuf serré contre mon flan, et je me tiens prête à les repousser. C’est alors que j’entends une voix sortir du couloir d’en-face :
-Camunia ! Écarte toi !
Je ne prend pas le temps de réfléchir et je saute pour m’accrocher au plafond avec les griffes. Un groupe de fées sort du couloir. Agiles sur leurs deux pattes arrières, elle se déplacent rapidement et attaquent leurs ennemis avec leurs longs doigts crochus. Ils n’ont de semblable aux nymphes que la carapace qui recouvre leur corps et leurs grands yeux oranges. Leurs ailes transparentes comme des plaques de glace battent en continue et laissent échapper une poudre lumineuse. Une paire d’antennes duveteuses s’agitent sur leur front.
En apparence, elles sont minces et semblent fragiles, mais les fées sont les maîtresses de la magie, grâce à la poudre de leurs ailes qui les connecte directement à cette énergie. Elles en saisissent chacune une pincée et les lancent sur leurs ennemis. Là où elle frappe, la poudre s’enflamme dans une explosion. Les knuckers se mettent à courir avec un hurlement de douleur. Les fées viennent achever les survivants à coups de griffes. Elles réussissent rapidement à prendre le dessus grâce à l’effet de surprise.
Quand je vois le dernier knucker prendre la fuite par le couloir d’où nous sommes sortis, je lâche le plafond et me laisse tomber.
-Camunia, dit la fée qui mène le groupe, tu vas bien ?
Je ne daigne pas lui répondre, je me contente de me tourner vers le corps de mon compagnon, qui ne respire plus, maintenant. Elle suit mon regard, garde un instant le silence…
Puis me dit :
-Je vois. Désolée. -Que se passe-t-il, enfin !? Qui sont ces knuckers ? Pourquoi s’attaquer à la Ruche ? -Je n’en ais aucune idée. Ils nous sont tombés dessus en plein milieu de la nuit, nous avons juste eu le temps d’organiser une défense. Ils semblent viser en priorité les dragons. -Je sais…
Je serre d’avantage mon œuf, puis lui dit :
-Je dois mettre mon dernier petit à l’abri. -J’ai vu un dragon qui volait près des écuries en venant ici. Va là-bas, pendant ce temps, nous allons protéger notre mère. -Merci. Je reviendrais vous aider dès que possible avec mes semblables.
Et tendis que les fées reprennent leur route dans un bourdonnement d’ailes, moi, je me lance dans le vide.
Je survole rapidement le village en tâchant d’ignorer le carnage et quelques appels à l’aide, avant d’arriver vers une longue chaîne de montagnes où sont sensés reposer mes congénères. Mais hélas, je vois que l’endroit est également en feu. Les flammes et la fumée mortelles, même pour nous, sortent par toutes les entrées de la grande caverne commune. Plusieurs cadavres jonchent le sol, et quelques knuckers, à la manière de charognards, arrachent leurs écailles. Je pousse un rugissement de colère. Ils se dressent et me menacent de leurs griffes en réponse. Je me promet de revenir venger mes semblables, puis je fais demi-tour pour me diriger vers les écuries…
Ces dernières sont en réalité des tanières faites en rondins de bois, où les licornes et les pégases vivent. Ils offrent leurs services aux fées en les transportant et en les aidant lors de leurs cultures, et en échange, elles leur créaient ces abris et leur prêtent leurs pattes dans les champs pour cultiver la paille, le foin et la luzerne dont les équidés se servent pour se nourrir et faire leurs nids.
Il n’y a pas trace des chevaux ailés, ni de leurs compagnes cornues ou de leurs poulains. Sans-doute sont-ils partis, soit pour se mettre à-l’abri, soit pour se battre. Je me pose entre les écuries et remarque effectivement la présence de l’un de mes semblables, allongé sur un toit. Difficile à voir, dans la nuit, si il s’agit d’un dragon ou d’une dragonne… tout ce que je sais, c’est qu’il regarde le village en feu. L’obscurité ne me permet pas non-plus de voir ses traits, mais il me semble grand, blanc ou gris, et qu’il ne m’a pas encore remarqué…
Je résiste à l’envie qui me prend de lui flanquer un coup de queue derrière la nuque et m’approche de lui en rugissant :
-Lâche ! Comment oses-tu rester ici pendant que nos semblables se font massacrer ?!! Aide-moi à trouver un abri pour mon œuf, puis nous…
Je n’ai pas le temps de finir : soudainement, il se retourne et un long membre se tend pour me donner un puissant coup de griffe sur le flan. Je recule et pousse un cri de douleur, tendis que mon sang gicle sur le sol et que la voix d’un mâle me répond :
-Je n’ai pas d’ordre à recevoir de toi !
Il se dresse et descend du toit. Je reste un instant surprise. Les dragonnes, comme moi, se déplacent à quatre pattes, alors que les dragons, eux, se tiennent sur leurs pattes-arrière, celles de devant, plus petites, contre leur poitrine, et la plupart possèdent une masse au bout de la queue. Mais lui, il me semble être un mélange des deux genres : il se déplace à quatre pattes, et son corps s’allonge sur un long tronc robuste d’où sort deux autres membres. Ce dragon à six pattes, et ses deux membres supérieurs sont plus longs et menaçants que ceux d’un dragon normal. Je ne peux pas voir son expression, mais je remarque que son museau est court et j’entends son grognement. Ses yeux bicolores, un vert et un rouge, brillent dans la nuit.
Ma patte tâte un instant dans le vide : sous le choc, j’ai lâché mon œuf. Alors que je tourne le museau vers le sol à sa recherche, il me pointe de la griffe et ordonne :
-Tuez la.
Il me faut un instant pour comprendre que ce n’est pas à moi qu’il parle, alors que d’autres knuckers sortent des écuries, armés, eux, du même bâton que les premiers. Ils me menacent de leurs armes, mais semblent hésiter à s’approcher… ils doivent encore craindre ce dont je suis capable.
Je repère finalement mon œuf, qui a roulé un peu plus loin, et je me jette dans sa direction. Mais l’étrange dragon se met sur mon chemin et me repousse violemment. Des knuckers en profite pour m’attaquer. Je saute et prend mon envol pour échapper à leurs armes. Une chance que leurs petites ailes ridicules ne leur permettent pas de voler.
Le dragon a ramassé mon œuf et semble ricaner tendis qu’il commence à le serrer pour l’écraser. Je cris :
-NON !
Et fonce vers lui pour lui donner un violent coup de cornes sur le torse. Il pousse un cri étouffé et tombe à la renverse. Je rattrape mon œuf au vol et m’enfuie à tir-d’ailes.
Mon flan, déchiré par la griffure, me fait mal, et je sens que mon sang coule abondement. Je dois me trouver un abri et penser ma blessure. Mais des bruits d’ailes retentissent dans mon dos. Je me retourne et vois cet étrange dragon qui me pourchasse. Il ne semble pas avoir été blessé par mon coup. Ses ailes font tout le long de son corps disproportionné, partant de ses épaules jusqu’à la base de sa queue. Elles sont bien plus grandes que les miennes, certainement plus lourdes, mais lui permettent une meilleure allonge et une plus grande endurance… je suis vive, mais je ne pourrais pas lui échapper bien longtemps.
Je survole la forêt de pins qui entoure la Ruche et plonge entre les arbres. Il est bien plus grand que moi, il aura sûrement plus de mal à se déplacer au sol. J’ignore les branches qui se coincent entre mes écailles et les aiguilles qui pénètrent mes plaies, avant d’atteindre le sol et de filer droit vers le nord.
Mais je n’ai pas le temps de faire plus de quelques pas que sa voix retentit :
-Tu ne m’échapperas pas !
Et il tombe devant moi. Les arbres sont réduits à l’état de simples brindilles sous ses pattes. Je rêve, ou sa taille s’est ajustée d’elle-même pour qu’il puisse se déplacer entre les arbres ? Il me fait face, menaçant. Je n’ai plus d’autre choix que de me battre. Alors je lui fonce dessus… mais il me saisit par une corne et me balance contre un arbre comme il le ferait d’un cerf trop téméraire. La douleur me vrille le crâne. Mon œuf a encore disparu…
Ses pattes entourent ma gorge. Il me force à le regarder dans les yeux. Ses pupilles reptiliennes bicolores lancent des éclairs, et il me dit :
-Renonce. Si tu te rends maintenant, je te promet une mord rapide. -Mord-toi la queue, briseur d’œufs ! -Ah, tu le prends comme ça ? Tant-pis pour toi.
Il plonge alors ses griffes dans la blessure qu’il m’a infligée. Je rugis de douleur tendis qu’il les remue… mais il s’interrompt lorsque retentit comme un bruit de tonnerre, traduit par des vibrations à travers la terre.
Un groupe de pégases et de licornes, chevauchés par des fées, sortent d’entre les arbres, foncent sur le dragon et tentent de le repousser à l’aide de coups de sabots, de griffes et de poudre explosive. Il pousse un grondement agacé et me lâche. Je suis à-terre, la douleur est telle que j’ai du mal à me relever. Le museau dans les aiguilles, je tâte pour remettre la serre sur mon œuf… et un étalon blanc me passe devant, la queue et les plumes de ses ailes en feu.
Mes alliés se font massacrer. Aucune de leurs attaques n’ébranle le dragon, qui se contente de les brûler, de les écraser ou de les dévorer. Il passe un moment à pourchasser les derniers survivants comme si il s’en amusait, puis revient vers moi. Je me dresse, le museau face au sien, et ouvre la gueule dans l’idée de le lui brûler… mais une simple flammèche m’échappe. Je n’ai plus de feu. Il pousse un rire moqueur, puis me pousse au sol et se met au-dessus de moi pour me bloquer.
Je détourne le museau pour ne pas le voir, et remarque alors la présence d’une dernière fée sur le champ de bataille. Elle tient mon œuf entre ses pattes.
Je lui cris :
-Fuit !
Avant que le dragon ne me saisisse à la gorge.
Fuir, oui, mais où ? Peu importe par où elle essayera de partir, elle n’échappera pas à ce dragon. Les fées sont agiles avec leurs ailes, mais se fatiguent trop rapidement. C’est alors qu’un pégase jaillit à ses côtés, lui cri quelque-chose que je ne peux entendre, et la fée lui saisit une mèche de sa crinière pour monter sur son dos.
Tout devient noir autour de moi tendis qu’ils disparaissent dans la nuit. Je n’ai plus mal, mais j’ai horriblement froid. Ma vision s’éteint, mon cœur ralentit. J’espère simplement que ces deux créatures vont réussir à s’enfuir avec mon dernier descendant...
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| | | Xyria Admin
Médailles : Émeraudes : 6187 Messages : 9467 Date d'inscription : 05/06/2015 Age : 32
Description du dragon Race: Ailes du Ciel. Avertissement: (0/3) Bannissement: (0/3)
| Sujet: Re: (Roman) La Destinée de Xyria. Mar 13 Nov - 21:08 | |
| - Chapitre 2:
Mon corps entier me fait atrocement souffrir. Mes pattes, crispées depuis presque quatre heures autour des flancs de ma monture et de l’œuf que je tente de garder bien plaquer contre moi. Mon thorax, contre lequel je le serre pour l’empêcher de glisser et de plonger dans l’océan qui s’étend en-dessous de nous. Mon abdomen, que je ne sens plus, à-force qu’il se fasse agiter par les mouvements des ailes du pégase. Et malgré cette douleur, ainsi que le sommeil qui m’envahit l’esprit, je sais que je ne dois pas m’endormir et je fais de mon mieux pour ne pas me laisser aller. Mon protéger est la raison qui me pousse à tenir. Lui, et autre chose…
Je viens de quitter mes sœurs qui se battent contre une armée de knuckers et un étrange dragon à six pattes. Je suis horriblement inquiète pour les autres fées, pour Mère. J’ai suivi la bataille jusque dans la forêt, je ne sais pas où en était la situation près de la Ruche quand nous nous sommes envolés, si elle allait bien. Je ne peux qu’espérer que oui : la chambre royale est la partie la plus protégée de toute les ruches de fées, je vois mal un groupe de reptiles violents et stupides réussir à s’y infiltrer. Mais d’un autre côté, je préfère penser cela que m’imaginer le pire pour mes semblables.
L’œuf s’agite entre mes griffes. Il le fait régulièrement depuis notre départ. Ma vision féerique fait que je vois le monde à-travers l’énergie lumineuse qui parcourt chaque chose et chaque être vivant, si bien que malgré la nuit, je peux le distinguer. Le petit être qui repose à l’intérieur doit avoir froid. Ma carapace ne possède clairement pas la chaleur du ventre d’une mère dragonne. Mais en plus de cela, je crains qu’il soit en-train de nous préparer une petite éclosion surprise…
Je cris à l’étalon :
-Nous devons nous poser ! -Ah oui ? Et où-ça ?
Je regarde autour de moi. Durant un moment, après notre départ, nous avions survolé plusieurs petites îles se trouvant autour du Continent des Grands Monts. J’avais voulu qu’on y fasse un arrêt, mais il avait refusé, avec pour prétexte qu’il ne voulait pas se retrouver à-nouveau face à ce dragon, qu’il voulait s’en éloigner le plus possible… ce que je comprend, au fond. Mais désormais, il n’y a plus que l’étendue aquatique à perte de vue, fourmillant de l’étincelle de la vie marine, mais d’aucun abri.
-Je ne sais pas, mais l’œuf est sur le point d’éclore, et je doute que ce soit une bonne chose qu’il éclot sur ton dos ! -Si je me souviens bien de l’enseignement de mon maître de vol, nous ne sommes plus très loin du Continent de la Forêt Dense. -Tu l’as déjà vu, la Forêt Dense ?
Moi, je ne la connais qu’à travers les histoires qu’on m’a racontées. Les fées ne sont pas de grandes voyageuses, et de ce fait, nous comptons généralement sur les pégases et les dragons, plus aventureux, pour nous enseigner ce qu’ils savent du monde. La Forêt Dense est une jungle épaisse, peuplée de tribus de fées étranges et de knuckers bien différents de ceux de mon continent, pas très ouverts aux étrangers, à ce que je sais. Les légendes disent également que ce serait de là que part le noyau de Mandragore, la plante carnivore qui parcourt le Monde via les galeries souterraines à la recherche de proies, se nourrissant de la chaire des êtres-vivant. Bien que je sache que ce n’est qu’une légende, j’ai un frisson en m’imaginant me retrouver face à l’une de ses tiges se mouvant seule, tel un serpent.
-Non, me répond-il, mais je sais comment y survivre. Nous devrions être en sécurité temps que nous restons en bordure de la forêt. De toute-façon, nous n’avons pas le choix. -A moins qu’on ne croise une autre île sur la route. -Je refuse de me réfugier sur un petit îlot de sable où je n’aurais aucune chance d’échapper à ce dragon géant si il nous retrouve !
Et l’affaire fut entendue. Je n’essaye pas de discuter à-nouveau avec ce pégase. Je préfère le laisser se concentrer sur le vol. De toute-façon, à chaque fois qu’il parle, c’est pour se plaindre. Nous passons encore presque une heure ainsi, le silence uniquement brisé de temps en temps par le cri d’une mouette en vol près de nous ou les craquements de l’œuf. Mais au bout d’un moment, je me rend compte que la mer semble s’être rapprochée…
Je sais que pour garder leur équilibre, les pégases ont besoin de bouger leurs membres tout en battant des ailes comme si ils courraient. Hors, je me rend bien compte, maintenant, qu’il bouge de manière beaucoup plus lente et que sa respiration est devenue roque.
Je lui cris à-nouveau :
-On doit se poser ! Tu es épuisé ! -Tu me prends pour une fée, ou quoi ?
Je pousse un sifflement colérique : je sais que les pégases n’ont pas une très haute estime des capacités de vol des fées. De ce fait, ils se servent d’elles comme insultes entre-eux, et font souvent ce genre de blague.
-Ça va aller, continue-t-il en ignorant mon agacement. Regarde devant-toi.
Je lève alors les yeux. Au bout de la masse océanique, je vois une étendue de lumières formant ce qui doit être une terre vaste et verdoyante. Nous sommes tout près du Continent de la Forêt Dense. Mais il nous faut quand-même encore une bonne demi-heure pour y arriver. Je me sens rassuré quand ma monture commence à entamer sa descente en direction d’une falaise rocheuse sur le bord de la forêt. Ses sabots dérapent sur le sol de pierre et il manque de tomber. Après s’être stabilisé, il plie les jambes et s’allonge dans un bruit mat, les ailes étendues de chaque côté de son corps. Je descend de son dos, et me laisse à mon tour emporter par mes crampes. Je tombe et lâche l’œuf, qui se met à rouler vers une large crevasse dans la roche.
-Attention ! Me dit-il.
Je me jette en-avant et réussit à le rattraper avant qu’il ne tombe. Tendis que je me redresse, il me reproche :
-Tu as failli le perdre ! -Hey ! Tu as une idée d’à quel point mon corps peut être crispé après toutes ces heures sur ton dos ? -Quoi ?! Tu oses te plaindre ?! C’est moi, qui les ai faites, ces presque six heures de vol !
Je m’apprête à répondre que ces presque six heures assise sur lui n’avaient rien de très confortable, mais une nouvelle secousse de l’œuf me rappelle à l’ordre : ce n’est pas le moment de nous disputer.
Je m’approche de lui et lui demande :
-Lève l’aile.
Ce qu’il fait après avoir ronchonné un peu. J’y glisse l’œuf, la douceur et la chaleur de ses plumes sauront le contenter le temps que je fasse un feu. Alors que je m’éloigne vers les arbres, il me dit :
-Fait attention.
Mais je reste en vu et je me contente de ramasser quelques branches cassées, au sol, puis de revenir vers lui. Je les pose en tas à-côté du pégase. Les étincelles des branches sont lentes et presque éteintes, signe que leur vie est pratiquement finie. Je prend un peu de poudre de mes ailes et la fait tomber dessus, ce qui la fait accélérer, jusqu’à se que le corps physique du bois chauffe, puis prenne feu. Et une fois que les flammes sont assez épaisses, je repars vers les arbres.
Alors que je cueille quelques feuilles grosses comme ma tête, je remarque la présence d’un être organique qui m’observe entre les branches. Un être organique long, sans patte, qui se déplace en rampant… un knucker de la Forêt Dense. J’en ai soupé, des knuckers, pour le moment ! Je me dépêche de retourner auprès du feu en espérant qu’il n’ira pas chercher ses camarades pour nous chasser…
Je me sers des feuilles pour faire un nid aussi près du feu que possible. Puis je me glisse sous l’aile pour reprendre l’œuf et l’y déposer. Les secousses deviennent plus calmes. Le dragonnet doit être content.
Je m’assoie et soupir. J’aurais préféré m’éloigner un peu de la crevasse, mais je doute que le pégase ait le courage et la force de se déplacer.
A la place, je lui demande :
-Qu’est-ce qu’on va faire ? -Nous reposer, pour le moment. Puis on avisera. -Mais l’œuf va éclore, et je ne sais pas comment on s’occupe d’un bébé dragon, moi ! Je doute qu’il suffise de lui donner du nectar, comme pour les nymphes.
Je plonge mon visage dans mes pattes :
-En plus, nous devons retourner aux Grands Monts ! Je veux m’assurer qu’ils ont gagné la bataille ! -On ne peut rien faire pour le moment. Le mieux, c’est d’attendre que le petit éclose, et de dormir. Bon-sang, ce que j’ai faim ! Je pourrais avaler un champ entier de foin ! -Je vais voir si je peux trouver des fruits. -Mauvaise idée. Tu ne connais rien des plantes de ce continent, tu pourrais en prendre des empoisonnées. Viens plutôt m’aider à remettre mes ailes en place. J’arrive à-peine à les soulever.
Je me dresse et lui prend un bord. Tendis que je manœuvre, je lui demande :
-Au fait, c’est quoi, ton nom ? -Eh Oh ! Coucou !
Je sursaute et regarde autour de moi. Une voix crissante viens de nous saluer. Le mouvement de l’air me fait comprendre que ça viens d’en-haut et je lève les yeux.
Trois pégases descendent vers nous. Alors que l’un d’entre-eux est libre, deux autres sont harnachés à une épaisse de coque en bois maintenue en l’air par des voiles faites en feuilles tressées, soulevées par le courant de leurs ailes. Les trois étalons se posent non-loin de nous. Le premier se tient droit, de manière presque royale, et nous observe. Il ne semble pas particulièrement agressif, ou autre… en réalité, il ne laisse paraître aucune émotion. Et du vaisseau volant descend une jeune licorne à l’air enjouée qui se met à sautiller sur place en nous observant avec un grand sourire.
Mon regard s’attarde sur les tireurs : ils sont pratiquement immobilisés par leur harnachement, maintenant qu’ils ne sont plus en vol. Des cordes retiennent leur museau et les empêchent de parler. Ils tremblent, visiblement à le fois fatigués et effrayés.
Le pégase à mes côtés demande :
-Qui êtes-vous ? -Oh, fait la licorne de la même voix enfantine et légèrement agaçante de celle qui nous a saluée. Nous ne nous sommes pas présentés ? Pardon, je suis très mal polie. Je m’appelle Ankary.
Elle se tourne vers le pégase libre, mais ce dernier garde le silence. Si les étincelles qui le forment n’avaient pas l’agitation de la vie, j’aurais pu croire qu’il s’agissait d’une statue. Quoi que ses étincelles sont… ternes, au ralenti, comme si il était dans le coma.
Au bout d’un moment, la jument soupir en levant les yeux au ciel et continue :
-Et le constipé, là, c’est mon grand-frère, Alkrataur.
Avant de finalement mettre ses sabots-avants sur le dos de l’un de ses tireurs et de dire :
-Et ça, ce sont mes chouchoutes. Dites bonjour, mes chouchoutes !
Les pégases se mettent à gémir, et visiblement pas par colère de s’être fait donner ce nom de femelle : ils ont réellement l’air terrifiés. Je me demande bien pourquoi : cette licorne est juvénile, presque une pouliche. Elle n’a pas l’air bien dangereuse, même dans leur situation, je ne sais pas comment elle pourrait leur faire mal. Quand à son frère… bon, il semble costaud, mais face à nous-deux unis, je doute qu’il ait une chance de gagner, en cas de combat.
La licorne fait une moue déçue, puis dit :
-Oh, vous non-plus ? Tant-pis.
Avant de baisser les yeux vers le nid :
-Oooh, mais c’est vous qui l’avez ! Notre maître cherche cet œuf partout ! C’est gentil de nous l’avoir gardé. Nous allons le prendre, et… -Ils travaillent pour le dragon ! S’exclame mon allié.
Malgré la fatigue, il se dresse et se place à mes côté, cachant l’œuf derrière lui. Je me mets à menacer les nouveaux arrivants de mes griffes.
Mais ils n’ont pas l’air particulièrement impressionnés. La licorne penche le museau sur le côté en souriant, comme si elle trouvait la situation très amusante. Leurs prisonniers font des signes du museau avec paniques… ils semblent vouloir nous prévenir de quelque-chose. Quand à son frère, il nous dit d’une voix étrangement plate, comme si la situation semblait l’ennuyer :
-Je vous donne une chance : laissez-nous cet œuf, et partez. -Tu peux toujours voler ! Gronde mon allié. -Tant-pis pour vous.
Il se met en mouvement, et il est tellement rapide qu’il se retrouve près de nous avant même que je ne comprenne ce qu’il vient de se passer. Il saisit alors la gorge du pégase qui m’accompagne et le mord férocement. Il se met à crier de douleur et tente de se dresser pour le frapper de son sabot… mais il trébuche sur ses ailes et se retrouve au sol. Je veux frapper de mes griffes pour l’aider, mais je sens une soudaine douleur vive à mon abdomen et je tombe à mon tour. La licorne se tient au-dessus de moi et me sourit : elle vient de me poignarder avec sa corne.
Elle me bloque au sol en posant un sabot sur mon thorax. Approchant sa tête de moi, elle me demande :
-Oh, est-ce que j’aurais aussi oublié de signaler ce petit détail ? Désolée, je suis tellement tête-en-l’air.
Et elle ouvre la bouche, ce qui me permet de distinguer les formes de deux petites dents pointues. Quand elle me mord à son tour, je pousse un hurlement qui réveil les oiseaux de la jungle et les font s’envoler…
***
Pouah ! Le goût du sang des fée est vraiment ignoble ! Il est tout vert, trop épais et affreusement amère. J’aspire au cou de ma victime sans trop de plaisir jusqu’à se qu’elle perde la vie, puis recrache son corps plus loin. Ce liquide me laisse un goût dans la bouche que j’ai du mal à retirer. Je me tourne vers mon frère, debout au-dessus du corps du pégase. Alors que je suis couverte du liquide vital de ma victime après m’être amusée à la secouer comme une poupée dans tous les sens, lui, il a juste un petit filé écarlate qui lui coule sur le bord de la lèvre, qu’il efface bien vite.
Je lui dit :
-C’est pas juste ! Pourquoi c’est toi qui a eu droit au pégase ? -Tu n’étais pas obligée de la tuer comme ça. -J’avais faim…
Mais la prochaine fois qu’il me faudra tuer une fée, je me contenterais de la piétiner. Ce sera plus drôle et moins répugnant.
-Le sang de fée n’est pas nourrissant, pour nous, me rappelle-t-il. -Peut-être, mais j’avais espéré qu’il aurait bon goût.
Je m’approche de l’œuf et le pousse loin du feu d’un léger coup de sabot. Son résident s’agite et je crois entendre un couinement. Oh oh, on dirait que je l’ai fâché. Pauvre petite créature grotesque ! Je baisse le museau vers lui et fait remarquer :
-Oh, regarde, Alkrataur : il est tout couvert de fissures. On dirait bien qu’il est sur le point d’éclore.
Je me tourne vers lui, prenant l’air de celle qui s’en remet au jugement du plus vieux, et lui demande :
-Alors, on fait quoi ? -Tu connais les ordres.
Oh, mais quel rabat-joie ! C’est désespérant ! Oui, bien-sûr, que je les connais : aucun dragon ne doit survivre… même si j’ai un petit espoir pour celui que j’ai caché, au Continent des Grands Monts. Mais il pourrait s’amuser un peu, lui-aussi, ça changerait.
Je renifle un peu le liquide coulant via les petites crevasses qui brisent la coquille et remarque :
-Je n’ai jamais goûté le sang d’un petit dragon. Tu crois que je peux ? -Fait toi plaisir.
J’ouvre le museau, laissant apparaître mes canines, et me prépare à mordre. Il sera si facile de casser cette coquille, de mordre dans son petit résident et d’aspirer sa vie en l’écoutant couiner de douleur. Ce sera sûrement bien meilleur que l’autre insecte et ça me calera jusqu’à notre retour au royaume où je me ferais un pégase ou une autre licorne…
Mais finalement, non. Je me redresse en m’exclamant :
-Oh… je ne peux pas ! Notre magnifique seigneur a autrefois vécu dans un œuf comme celui-là ! J’aurais trop l’impression que c’est lui, que je blesse.
Alkrataur ne me répond pas. Il se contente d’attendre, se fichant visiblement complètement de comment les choses vont se finir. Il est toujours comme ça.
Je repère une fissure dans la roche, un peu plus loin. Je lui donne un coup et fait rouler l’œuf vers cette dernière, où il tombe et disparaît dans l’obscurité. Je me tourne ensuite vers mon frère et hausse les épaules en disant :
-Oups ! -Bien. Rentrons, maintenant.
Oh, oui ! Rentrons ! Le maître nous sera tellement reconnaissant ! Je suis certaine qu’il me laissera lui caresser la queue toute la soirée ! Peut-être même que ce sera le bon moment pour lui parler de mon animal de compagnie. Oh, c’est excitant !
Je retourne dans mon embarcation volante. Les deux pégases qui la tirent respirent fort, ils ne semblent pas vouloir repartir.
Alkrataur dit :
-Nous devrions peut-être d’abord les laisser se reposer. -Non ! Moi, je veux retrouver notre maître au plus vite ! Ne t’en fait pas : je sais comment les motiver.
Je me dresse :
-Eh oh ! Mes chouchouttes ! Je vous laisse le choix : soit vous restez à votre place, soit vous prenez celle du pégase blanc.
Je pointe son corps qui gît toujours à leurs sabots. Ils frissonnent… puis déploient leurs ailes.
-Parfait ! Gentilles filles !
Et mon frère prend son envol en premier, vite suivi par nous. Je m’allonge confortablement sur ma litière de paille et me prépare à faire un petit somme pour le voyage, ayant une dernière petite pensée pour le corps du dragonnet écrasé sur la roche d’une caverne. Je l’imagine un instant encore en vie, le corps brisé, agonisant lentement...
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| | | Xyria Admin
Médailles : Émeraudes : 6187 Messages : 9467 Date d'inscription : 05/06/2015 Age : 32
Description du dragon Race: Ailes du Ciel. Avertissement: (0/3) Bannissement: (0/3)
| Sujet: Re: (Roman) La Destinée de Xyria. Mar 13 Nov - 21:08 | |
| - Chapitre 3:
Les parois rocheuses de ma caverne vibrent. Quelque-chose de petit, de solide et de partiellement vivant vient de tomber dans mon antre et de se réceptionner souplement entre mes racines, qui amortissent le choc. Mes enfants, les fleurs qui partent de ma tige principale, s'approchent et ouvrent leurs quatre pétales. Elles inondent la chose de la lumière naissante de leurs bulbes et étudient sa forme par l’ombre qu’elle leur renvoi, avant de m'envoyer l'information. Un être furieux, plein de vie, qui remue dans sa coque de naissance… un œuf. Un gros œuf. Une petite source d'énergie qui me fera sûrement un délicieux repas. Pour pousser, j’ai toujours besoin de plus de nourriture, de matière organique qui se fait digérer entre mes racines et alimente ma sève. Heureusement que le Monde est toujours rempli de plus de cadavres. Elle va rejoindre le charnier sur lequel je pousse depuis des décennies.
Mes racines entourent la coquille et l'amènent sur un large rocher, devant moi. Elles et mes pousses sont larges comme des serpent et se mouvent avec autant d’habileté. Ma tige, en revanche, est aussi épaisse qu’un tronc de la Forêt Dense, et mon être végétal ne m’empêche pas de me déplacer souplement. Je me dresse au-dessus de la vie qui est en-train de naître. J'ouvre à mon tour mes pétales et inonde la scène de ma lumière. Je ne peux distinguer que l'ombre de ce qu'il se passe, et la chaleur rouge des êtres vivants. Le créature termine enfin son combat et brise son œuf, les éclats de coquille volent et disparaissent dans mes racines.
C'est une cracheuse de feu ! Encore une petite créature écailleuse fragile, mais qui un jour va devenir le plus terrible prédateur parcourant la terre et le ciel du Monde. Fracasseurs de troncs, brûleurs de forêt... je n'ai jamais eu un grand amour pour les dragons, trop dangereux pour mes semblables. Une chance : la réputation de prédateur végétal que me donnent les habitants de la surface les a toujours maintenus éloignés de moi. La pensée de ces monstres qui crachent les braises et la chaleur me traverse, mes enfants clignotent d’inquiétude et battent des pétales, ils s'éloignent de la petite bête qui se dresse et qui ouvre sa petite gueule pleine de dents dans ma direction. Qu'attend-elle de moi ? Elle a l'air de me voir comme autre-chose que ce que je suis. S'attend-elle à se que je l'aide ? Désolée, petite créature, mais tu n'es pas ma progéniture, je n'ai aucune obligation, ni aucune envie de te venir en aide. Tu n'es qu'une charogne en sursis que je vais dévorer le moment venu.
Le reptile se dresse sur ses pattes-arrières et tend celles de devant pour essayer de toucher mon bulbe. Comme je m’éloigne pour échapper au contact, elle se déséquilibre et tombe du rocher. Petite idiote : elle va se faire mal ! Mes racines la rattrapent rapidement et la lèvent devant mon bulbe. Ma lumière la baigne. Pourquoi l’ai-je aidée ? J’ai agi à l’instinct sans vraiment me rendre compte de ce que je faisais. J’imagine qu’être mère de centaines de petites pousses me donne quand-même une certaine pitié envers les petits des autres êtres vivants, même ceux que je crains et que je n’apprécie pas.
Elle, en revanche, semble apprécier la chaleur qui se dégage de mon bulbe. Son cri fait vibrer l’air. Je comprend qu’elle a faim. Peut-être devrai-je la tuer sur le champ, pour lui éviter la douleur de la faim qui va réduire ses entrailles en lambeaux ? Mais je n’ai que rarement tué moi-même les autres êtres vivants quand ce n’était pas pour me protéger. Contrairement à ce que l’on croit, je ne chasse pas, je ne mange que ceux qui sont déjà morts. Et je ne pense pas apprécier de sentir sa vie s’évaporer comme ça entre mes racines. N’a-t-elle pas le droit d’avoir sa chance, malgré l’horreur que son espèce m’inspire ?
Je décide finalement de la nourrir, simplement par bonté d’âme. Mon charnier est garni de bien assez de viande pour que je lui en cède un petit morceau. Ensuite, je la jetterais hors de ma caverne et elle devra de débrouiller toute seule. Ce sera difficile, si elle ne retrouve pas ses parents, mais peut-être que son instinct va lui permettre de survivre… autrement, mes racines la retrouverons et son destins sera finalement celui que j’avais prévu pour elle à la base.
***
Chaleur... où est Chaleur ? Elle était toujours auprès de moi, depuis que j'ai pris conscience de ma propre existence. Même quand elle faiblissait, elle était là. Elle me revigorait. Elle me nourrissait. Elle me donnait le plaisir de cette vie qui ne semble être faite que de rêves et de sommeil, moitié endormie, moitié éveillée. Monde était petit. Si petit. Et il ne faisait que se rétrécir avec le temps qui passait. Mais avec Chaleur auprès de moi, ça n'avait pas d'importance, car j'étais bien, je ne ressentais pas le besoin qu'autre-chose se passe.
Mais maintenant, depuis une éternité, Chaleur n'est plus là. Où est-elle ? J'ai bien sentie la présence d’une Petite Chaleur, une imitation de Chaleur, mais ce n'était rien comparée à ma vraie Chaleur. Quelque-chose ne va pas, je dois sortir, je dois retrouver Chaleur, ou je sais que je vais m'éteindre. Mais c'est dur ! Monde est dur ! J'ai du mal à le casser. Bien que des fissures apparaissent et me permettent d'avoir une faible vision de l'Autre Monde de derrière le Monde, il me faut encore une nouvelle éternité avant qu'enfin, je sois libre.
Nouveau Monde est trop grand ! Nouveau Monde est trop dure ! Nouveau Monde est trop froid ! Finalement, j'ai envie de retourner dans l'ancien. Mais comment faire ? Je ne sais même pas comment j'y suis arrivée la première fois. Mais une lumière nouvelle me recouvre, je lève les yeux. Lumière est si belle, elle me fait oublier mes peurs, mes malheurs, le froid, la douleur. J'essaie de me dresser, je veux la toucher, mais le sol disparaît, je tombe. Par chance, on me rattrape. C'est Lumière. Elle m'approche d'elle. Elle est si belle. Je veux la toucher. Je tend mes pattes. Pourquoi elle ne veut pas que je la touche ? Je lui fais peur ? Je ne suis pas hostile.
Finalement, Lumière s'approche. Elle se pose sur moi. Elle est chaude. Chaleur ! J'ai retrouvée Chaleur ! Chaleur et Lumière. Chaleur est dans Lumière. Non... Chaleur est Lumière. Dans l'Ancien Monde, je ne faisais que sentir Chaleur. Maintenant, je la vois, et elle est aussi Lumière. Je suis tellement heureuse d'avoir retrouvée Chaleur. Je me blottie contre elle. Je peux la toucher pour la première fois de ma vie. Chaleur envahit mon corps. Je suis si bien...
Mais Chaleur et Lumière me repose et s'éloigne, je retrouve Sol Froid. Je couine. Je ne suis pas contente ! Pourquoi Chaleur et Lumière part encore ? J'ai froid ! Je la veux ! Et autour de moi, d'autres Lumières s'allument, couvrent mon corps de leurs bienfaits chaleureux. Des Petites Lumières, des Petites Chaleurs, qui veillent sur moi pendant que Chaleur et Lumière est absente. Je tend les pattes vers elles, je veux qu'on joue. Mais quelque-chose se pause devant moi.
C'est gros comme ma tête. Ça sent bon ! Mes naseaux frémissent. J'ignore comment j'ai appris toutes ces choses, mais je sais ce que c'est : Nourriture ! C'est Nourriture ! J'ai faim. Mon ventre me fait mal. Je n'ai jamais ressenti ça. Alors j'ouvre la gueule et je mord. C'est si bon ! Un goût de sang et de viande remplit mon museau. Je déchiquette, puis je lèche Sol Froid, jusqu'à se que je ne sente plus le goût de Nourriture. Chaleur et Lumière est de retour. Elle est au-dessus de moi, elle veille sur moi. Je suis si bien.
Chaleur me couvre. J'ai sommeil. Briser Ancien Monde fut si épuisant. Je veux dormir. Je me roule en boule, couverte par Chaleur. Lumière disparaît, je suis dans le noir. Je baille. L'air vibre, comme si Chaleur chantait. Nouveau Monde est plus grand, mais finalement, avec Lumière et Chaleur, ce n'est pas si mal. Je suis si bien, ici. Je ne veux plus jamais partir...
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| | | Xyria Admin
Médailles : Émeraudes : 6187 Messages : 9467 Date d'inscription : 05/06/2015 Age : 32
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| Sujet: Re: (Roman) La Destinée de Xyria. Mar 13 Nov - 21:09 | |
| - Chapitre 4:
La chaleur est écrasante, aujourd’hui, dans la jungle du Continent de la Forêt Dense. L’air vibre du bourdonnement des insectes, l’humidité imprègne chaque être et chaque chose, elle dégouline le long des feuilles et tombe sur le sol et les têtes. Il ne pleut pas, aujourd’hui, et les créatures qui ne cherchent pas la fraîcheur de l’ombre préfèrent se diriger vers les points d’eau habituels pour l’obtenir d’une autre manière.
La végétation, près de la rivière, remue, et après avoir longuement observés les alentours, une biche en sort. L’eau attire autant les herbivores que les carnivores, elle le sait, et il lui faut se montrer prudente, autant pour elle que pour son petit. Elle garde la tête et les oreilles bien hautes et droites. Elle s’approche de l’étendue liquide, surveille la présence des prédateurs qui pourraient vouloir faire d’eux leur nouvelle proie. Rien… elle peut visiblement aller boire sans soucis. Elle s’approche, mais elle ne surveille malheureusement pas le bon endroit…
Un tronc d’arbre couvert de mousse flotte dans sa direction… tout-du-moins, il souhaiterait se faire passer pour un tronc d’arbre couvert de mousse. Et cet alligator s’en sort très bien, la proie sur laquelle il a jeté son dévolu n’y voit que du feu. Elle se baisse et plonge son museau pour boire. D’un discret mouvement de la queue, il s’approche. Il a déjà l’impression de sentir les os craquer entre ses dents. Elle est bien grosse, bien grasse, elle va lui faire une belle réserve pendant les prochaines semaines à venir. Il s’approche encore, s’apprête à la saisir, à l’entraîner vers les profondeur pour la noyer et la secouer dans tous les sens pour la réduire en miette…
L’eau éclabousse la berge… ainsi que le crâne de la biche. Du sang gicle, mais ce n’est pas le sien. Effrayée par l’attaque qui se déroule sous ses yeux, elle pousse un cri et s’enfuit au galop vers l’abri végétal. Et moi, je remonte vers le ciel en battant tranquillement des ailes. L’alligator se débat vainement entre mes griffes écarlates. Il essaie de s’échapper… mais mon pauvre ami : autant aucun herbivore ne peut échapper à ta morsure une fois attrapé, autant tu ne peux pas t’échapper de mes griffes. Il est tellement étrange de voir que finalement, un prédateur panique autant que sa proie quand il se retrouve de l’autre côté de la chaîne alimentaire. Mais pas moi, bien-sûr, vu qu’aucune créature, dans ce monde, ne peut me terrasser. Il n’y a pas chasseur plus grand et plus fort qu’un dragon.
Bon, inutile de le faire souffrir plus que nécessaire. Je lui mord la nuque et lui brise le dos, ce qui le tue sur le coup. Puis je remonte au-dessus de la canopée afin de pouvoir voler tranquillement sans être dérangée par les branche. Le soleil baigne mes écailles rouges et les fait briller comme des rubis. Je pousse un grondement de plaisir. J’adore la chaleur et les éclats que j’envoie sur la mer émeraude sous moi.
Ça fait plusieurs heures que je veille près de cette rivière. Je sais que c’est le terrain de chasse de prédilection de la plupart des prédateurs, car c’est une zone dégagée où il est très facile d’aller boire. CeL va encore me faire son air dégoûté quand elle saura que j’ai mangé un alligator… elle trouve répugnant que je dévore mes ‘’cousins’’. Mh… leur viande est aussi bonne qu’une autre, pourtant, et elle est tout aussi nourrissante. J’aurais pu attraper la biche, c’est vrai. C’était ce que je comptais faire à la base, d’ailleurs… mais j’avais vite remarqué qu’un petit poussait dans son ventre tout rond. Tuer une jeune proie, qui plus est portant une proie encore plus jeune, n’a rien de très productif, c’est même elle qui me l’a appris. Autant la laisser vieillir un peu, la laisser avoir une progéniture, renouveler les proies, et quand elle sera plus vieille, elle sera peut-être l’une de mes victime.
Je vol durant quelques minutes, le corps sans vie du gros lézard aquatique pendant dans mes griffes, et me dirige vers une haute montagne qui surplombe la jungle. J’aime cet endroit. De là, je peux admirer tout mon domaine. Je me pose dans une zone que j’ai moi-même dégagée plusieurs années plus tôt à coups de griffes et de queue pour en faire mon terrain de repos. Ma proie tombe sur la pierre chauffée, et je commence à la dévorer en plongeant mon regard sur ce paysage verdoyant, magnifique. Je ne me lasse pas de ce spectacle, de ce monde immense qui ne demande qu’à être découvert…
Je suis née et j’ai toujours vécu ici. En vingt années d’existence, depuis que je sais me tenir sur mes pattes, j’ai traversée cette jungle pour en découvrir chaque parcelle. J’en ai vu, des choses, et encore plus quand j’ai enfin été capable de voler… ça n’avait pas été facile, d’apprendre seule, mais au fil du temps, j’ai étoffée ma technique. Et pourtant, ce continent est immense, je n’en ai encore pas vu grand-chose, chaque jour me dévoile de nouveaux secrets. Et au-delà de la frontière, la ligne océanique menant à de nouveaux continents. Mh… j’irais sûrement les découvrir, un jour, mais je ne suis pas pressée. Je dois encore continuer à découvrir mon territoire, chaque choses en son temps.
Il ne reste plus de l’alligator que du sang et quelques os trop durs pour que je les mâche… sans me faire mal aux dents, tout-du-moins… et je me permet une petite sieste au soleil. Ça doit faire une heure que je me suis endormie, quand je sens des chatouilles sur mon museau. J’ouvre les yeux et vois sur mon nez une petite bestiole au corps noir, long et fin, se tenant sur quatre pattes qui me font penser à des brindilles brûlées et en ayant deux autres aux doigts crochues sous sa tête pointue aux grands yeux roses. Une paire d’ailes aux multiples couleurs saille sur son dos.
-Coucou, Xyria ! Me dit-elle en agitant la main. Je lui souris. Les fées noires sont à-peine plus grandes que les mygales qui parcourent la jungle, mais au moins, elles savent parler.
Je lui répond :
-Salut, Trente-Neuf. -On peut faire notre petite affaire ? -Je vous en pris, faites-vous plaisir.
Et dans une série de petits piaillements que je trouve assez crispants, quoi que mignons, toute une colonie de fées noires quitte les arbres alentours où elles ont creusée leur ruche pour venir se percher sur mon corps et glisser leurs doigts pointus entre mes écailles.
Je proteste quand je sens un picotement au niveau de l’épaule droite où l’une d’entre-elle y est allée un peu trop violemment :
-Aïe ! Doucement !
Les petites créatures, agiles sur leurs fines pattes, passent rapidement le long de mon corps et délogent tous les parasites, saletés et morceaux de viandes qu’elles trouvent coincés de-ci, de là. C’est un accord que j’ai passé avec mes petites amies il y a bien longtemps et qui nous arrange à toutes : elles pour leurs réserves, moi pour garder mon corps parfaitement propre.
Trente-Neuf s’occupe de mon museau. Depuis qu’elle a quitté le stade de nymphe, elle est devenu le porte-parole de la ruche auprès de moi. Elle est du genre assez ouverte.
Je lui demande :
-Quelque-chose de nouveau, dans les alentours ? -Pas que je sache, me répond-elle en tirant une tique de sous une écailles de mon nez. J’ai entendu dire que les fées rouges avaient capturée une créature étrangère. Mais à l’heure où on parle, elles ont déjà dû la tuer. -Une créature étrangère ?
Je me dresse, ce qui la déséquilibre un peu.
-Eh ! -Désolée. Quelle genre de créature étrangère ? -Un drôle d’oiseau tout noir. -Un oiseau ? Bah, en quoi c’est étranger ? Il y en a plein, des oiseaux, dans la jungle. -Sauf que celui-là, il parle.
Je cligne des yeux, surprise.
-Ah bon ? Tu es sûr que ce n’est pas un pégase ? -Je sais à quoi ça ressemble, un pégase, je te signale. C’est juste ce que j’ai entendu dire des cueilleuses qui sont allées près de leurs frontières. Si ça se trouve, ce sont des bêtises…
Mmmh… oui, possible. Mais ça mérite bien que j’aille y jeter un petit coup-d’œil. Alors je laisse les fées terminer leur travail, puis je me relève en m’ébrouant. Les picotements que je ressens entre mes écailles laissent rapidement place à une agréable sensation de propreté et de fraîcheur.
-Tu peux aller nous cueillir des fruits ? Me demande Trente-Neuf.
Elle parle de ceux trop loin de la ruche, que les petites ailes des fées ne leur permettent pas d’atteindre, mais dont elles raffolent.
Je lui répond :
-Plus tard, peut-être. Je veux d’abord aller voir ce que c’est que cette histoire d’oiseau qui parle.
Et je laisse les fées se servir de ce qu’elles ont extrait de mes écailles pour aller remplir leurs réserves. Je prend mon envol et plane vers le pied de la montagne, en direction de la ruche des fées rouges. Ces dernières, bien que semblables physiquement, sont très différentes de leurs cousines noires. Elles sont une espèce méfiante, qui éprouve une grande crainte de tout ce qu’elles ne connaissent pas et ne se laissent pas facilement aborder. Elles préfèrent, d’ailleurs, creuser des galeries sous terre pour faire leur nid plutôt que dans les arbres.
L’entrée de leur ruche se trouve dans une plaine. Je me pose entre les arbres et approche à-pattes, tâchant de me montrer discrète. Ce n’est pas facile, étant-donné la couleur de mes écailles, mais les petits insectes sont plus occupés par un étrange spectacle que par ce qu’il se passe autour d’eux.
Au centre de leur plaine, elles ont allumé un feu, et au-dessus, ligoté par une liane, le petit oiseau se secoue en poussant son piaillement. Mh… quel drôle d’oiseau, en effet. Son plumage noir et blanc jure drôlement avec ce qu’on a l’habitude de voir, dans la jungle. Les fées rouges le font descendre doucement vers le feu afin qu’il se brûle le bout des pattes. Je déteste cette façon qu’elles ont de se montrer cruelles. Mais je ne vois pas vraiment de raison de les empêcher de faire cela… c’est sûrement une de leurs proies avec laquelle elles s’amusent un peu avant de la dévorer.
Mais pourtant, quand l’animal ouvre son bec, j’entends une voix paniquée en sortir à la place du piaillement effrayé, cette fois :
-Aïe ! Arrêtez ! Pitié, ça fait mal ! Au secours !
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| | | Xyria Admin
Médailles : Émeraudes : 6187 Messages : 9467 Date d'inscription : 05/06/2015 Age : 32
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| Sujet: Re: (Roman) La Destinée de Xyria. Mar 13 Nov - 21:10 | |
| - Chapitre 5:
Les fées du Continent de la Forêt Dense ne m’ont pas suffisamment descendue près du feu pour que mon plumage ne s’enflamme et que je me consume en un tas de cendres fumantes, mais quand-même assez pour que je sente la chaleur se répandre dans mes griffes douloureusement. Je m’agite, essayant de me libérer, mais en vain. Les liens sont bien trop serrés.
Je recommence à les supplier de me libérer, et celle qui semble être la chef du groupe s’approche de moi et me pique le croupion du bout de ses griffes pour me faire taire et me forcer à rester tranquille.
Elle me demande :
-Alors répond moi honnêtement : qui es-tu ? Et qu’est-ce que tu fais ici ? -Mais je n’arrête pas de vous le dire ! Je m’appelle Imissaire ! Et je viens du Continent des Grands Monts. -Et donc ? Qu’est-ce tu fais ici ? -J’ai dû migrer pour fuir !
Fuir… voilà bien la seule chose que je fais depuis que je suis tombée dans la mixture de cette maudite sorcière ! Comment aurais-je pu me douter que rentrer dans la caverne de cette knucker pour lui prendre une pierre brillante et en orner mon nid m’aurait attiré autant d’ennuis ? Stupide instinct de pie qui me pousse à être attirée par tout ce qui brille !
-Fuir qui ? Fuir quoi ? -Une sorcière knucker. Elle me chasse depuis que… depuis que je lui ai volée une pierre !
Devrais-je leur avouer la façon dont j’ai obtenue ma faculté de parler ? Les pies ne parlent pas, normalement, et ne réfléchissent pas autant que moi, non-plus. Je suppose que c’est également un effet secondaire de cette potion dans laquelle j’ai trébuché en voulant fuir la sorcière mécontente de mon larcin : j’ai évolué, ce qui m’a permis de comprendre mieux le monde qui m’entoure en plus de parler, comme les fées, les knuckers et les équins. Sauf que voir cela a tellement intéressé le serpent qu’elle m’a poursuivie à-travers tout le territoire pour faire je ne sais quoi avec moi, et je n’ai pas particulièrement envie de le découvrir…
Savoir que ma capacité de parler n’a rien de naturelle pourrait les mettre encore plus en colère contre moi et les décider à me tuer dès maintenant. Ces fées ne sont clairement pas très ouvertes d’esprit et détestent les étrangers. Je ne tiens pas à leur donner une raison de plus de me voir comme un monstre.
Alors… :
-Pourquoi te chasse-t-elle ? -Je ne sais pas ! -Vraiment ?
La fée rouge se pose sur la liane qui me retient et s’approche de moi pour mettre son étrange tête plate aux gros yeux noirs contre mon bec. Elle est un peu plus petite que moi, mais je ne sais pas très bien me battre… je n’ai offert pratiquement aucune résistance quand elles se sont attaquées à moi toute en même-temps, alors que je m’étais posée sur une branche de l’arbre auquel je suis maintenant accrochée pour me reposer après ce long voyage.
-Tu sais ce que je crois ? Me demande-t-elle.
Comme elle se tait, je comprend qu’elle attend une réponse de ma part, alors je fais un signe négatif du bec.
-Je crois que tu es une espionne envoyée par je ne sais quel seigneur de je ne sais quel autre continent. -Non ! Je… -Et que si on te laisse partir, d’ici quelques jours, des envahisseurs vont venir nous voler notre territoire. -Tu te trompes… -Et si tu refuses de l’avouer, tu vas souffrir plutôt que de mourir rapidement.
Elle saute de la liane et se pose au-milieu de sa ruche en faisant vibrer ses ailes. Elle me pointe de son doigt crochu et dit :
-Arrachez lui les plumes !
Je piaille de terreur alors qu’elles s’approchent de moi, lorsqu’une voix retentit soudainement de dans mon dos :
-Pas si vite, Cent-Soixante-Huit !
Tout le monde s’immobilise et se tait. Elles regardent quelque-chose chose qui bouge derrière-moi. Je sens ses énormes pattes ébranler la terre, j’entends sa masse se déplacer et quelque-chose ramper. Ce qui vient d’arriver est énorme ! Bien que ça retarde le moment de la torture, je sens la peur monter en moi pour cette nouvelle arrivante qui a clairement le timbre de voix sauvage d’un prédateur.
Les petites fées rouges pointes leur griffes pointues vers elle en sifflant des menaces. J’entends un grondement qui ressemble à un rire s’élever, et la même voix demande :
-Vous êtes sérieuses ? -Qu’est-ce que tu veux, Xyria ?! Demande la meneuse. -Je la veux, elle.
Euh… par ‘’elle’’, elle veut dire ‘’moi’’ ? Oh, non ! Pourquoi moi ?!
-Pourquoi elle ? -Parce que c’est un oiseau qui parle. C’est la première fois qu’on voit une chose pareille. Tu ne peux pas la tuer comme ça. -Elle vient d’ailleurs… tout comme toi.
La ruche se met à émettre un cri de dégoût à mon adresse et celle de la créature que je n’arrive toujours pas à identifier.
-Elle est donc une menace ! Nous devons la tuer ! -Oh, ne t’en fait pas, elle le sera. -Et comment ?! -Je vais la manger.
Une lueur de surprise brille dans les yeux des fées, alors que moi, je sens le nœud de mon estomac devenir tellement énorme que j’ai envie de vomir.
Cent-Soixante-Huit penche la tête sur le côté, puis demande :
-Vraiment ?
Le ton qu’elle emploi montre qu’elle a un doute.
-C’est nouveau, et j’aime ce qui est exotique. D’ailleurs, si elle a bon goût, j’irais peut-être sur son continent d’origine pour en trouver d’autres.
C’est étrange, mais cette annonce semble grandement intéresser la meneuse. Elle hésite encore un peu, et la créature lui dit :
-Allez, tu sais que si je la veux, je l’aurais, Cent-Soixante-Huit. Ne nous fait pas perdre notre temps à toute-les-deux et donne la moi. -Oh… comme tu veux !
Les fées reculent tendis que la prédatrice s’approche.
-Peu importe comment elle meurt, c’est le résultat qui compte, de toute-façon.
C’est alors que je vois enfin celle qui va me donner la mort, et un frisson si puissant me parcours que j’ai l’impression d’en perdre mes plumes : un dragon ! L’immense reptile se dresse au-dessus de moi. Ses écailles ont la couleur du sang et ses yeux ambrés brillent d’une lueur qui me semble, sur le moment, simplement gourmande. Lorsqu’elle dresse l’une de ses pattes à trois phalanges pour la refermer sur moi, je me retrouve entièrement dans le noir, totalement recouverte de ses écailles rugueuses. Elle casse la liane sans difficulté.
-Merci bien. Je te le revaudrais. -Tu as plutôt intérêt !
Je sens que nous nous élevons, accompagnées qu’un puissant bruit de voiles qui fouettent l’air. La dragonne s’est envolée…
Oh, non ! Non, non, je ne veux pas finir comme ça ! Enfin, aucune mort ne me semble vraiment attirante… mais celle-là moins que les autres ! Une fois, j’ai croisée une horde de dragons, dans les montagnes brumeuses, là où les fées ont perdue leur ruche aux griffes d’une meute de knuckers. Même alors que j’étais un simple animal, je savais que je devais rester éloignée de cet endroit et je ne m’en n’était plus jamais approchée. Les dragons sont sensés avoir presque entièrement disparus… je n’arrive pas à croire que je vais me faire dévorer par l’un d’entre-eux !
Le vol ne dure pas bien longtemps, et je suis éblouie par la lumière quand la dragonne me pose par-terre, sur un tapis de mousse. Je n’ai d’yeux que pour son énorme museau, où chaque dent me semble aussi large que l’une de mes ailes. Elle sourit, visiblement pressée de me croquer. Elle approche une griffe de mon ventre, je ferme les yeux, toute tremblante. J’espère qu’elle va faire vite, qu’elle ne va pas jouer avec moi…
Puis je me sens soudainement beaucoup plus légère. J’ouvre les yeux… elle a juste tranchés les liens qui me retenaient. Pas très maline, pour une prédatrice, finalement. Je ne perd pas de temps et pars en sautillant aussi vite que possible. J’essaie de m’envoler, mais mes plumes sont froissées. Difficile de s’élever comme ça.
-Eh ! Attend !
Je ne l’écoute pas et rentre rapidement dans le creux d’un arbre juste assez grand pour moi. Je me love au-fond et prend la forme d’une boule de plumes noire et blanche. La lumière s’éteint quand l’œil de la prédatrice bouche l’entrée pour me regarder.
Elle rit, puis me demande :
-Allons, n’ai pas peur. Sors de là. -Non ! Tu vas me manger ! -Et pourquoi je ferais une telle chose ? -C’est ce que tu as dit aux fées !
La dragonne s’éloigne un peu et soupire. Je comprend qu’elle vient de lever les yeux au ciel.
-Franchement, tu t’es vu ? Me demande-t-elle. Tu es grosse comme une mangue. Te manger ne me servirait à rien, tu n’as clairement rien de bien nourrissant. -Mais alors, pourquoi tu leur as dit ça ? -Parce que elles, elles voulaient ta peau. Elles auraient voulu m’affronter plutôt que de te laisser partir…
Elle pousse un ricanement :
-Je les aurais battues sans souci, mais je n’avais pas envie de perdre mon temps avec elles.
Elle se recule un peu, puis tend la patte pour que je puisse monter dessus :
-Allez, sors, je te promets que je ne te mangerais pas. -Comment être sûre que je peux te faire confiance ? -Tu sais, si je veux t’attraper, il me suffit de briser l’arbre en deux. Ou d’y mettre le feu.
Mmmh… elle n’a pas tors. Quoi qu’il arrive, je ne peux pas m’en sortir. Autant essayer et avoir une chance de survivre… ou mourir rapidement, broyée par ses crocs, c’est toujours mieux que brûlée vive, finalement.
Alors, tout doucement, je m’approche du trou, observe le museau de la dragonne, qui se contente de me sourire… et finalement, je saute dans le creux de sa patte. Elle me lève au-niveau de sa gueule. Je me cache sous mes ailes. Mes plumes sont ébouriffées par son souffle chaud…
Elle me demande :
-C’est quoi, ton nom ? -Euh… Imissaire.
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| | | Xyria Admin
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| Sujet: Re: (Roman) La Destinée de Xyria. Mar 13 Nov - 21:11 | |
| - Chapitre 6:
Imissaire passe la demi-heure qui suit à me raconter comment elle a obtenue sa capacité de parler. Au début, elle reste en boule dans ma patte, stressée, terrifiée à l'idée que je puisse l'avaler d'un simple coup de crocs si l'envie m'en prend, malgré ce que je lui ai dit. Mais elle finit enfin par se détendre quand elle m'annonce qu'elle est affamée, qu'elle n'a rien mangé depuis deux jours, et que je lui ouvre en deux une souche pourrie pour qu'elle puisse se régaler des larves de termites qui se trouvent à l'intérieur.
Son récit devient alors plus fluide et intéressant. Après avoir avalée une grosse chenille verte, elle continue :
-Et c'est après qu'elle ait essayé de m'enfermer dans une cage que j'ai décidé qu'il valait mieux que je prenne mon envol et que je quitte le continent. -Une cage ?
Elle cligne des yeux, visiblement surprise par la question, mais m'explique malgré-tout:
-C'est une boites à barreaux faite en bois dans laquelle on enferme une créature. -Pourquoi faire ? -Pour la garder prisonnière. Elle voulait faire de moi son animal domestique, ou son cobaye, je suppose...
Oh ? Je déteste cette idée ! Être enfermée dans une boite, incapable de déployer mes ailes ou de me mouvoir à ma guise ? Quelle horreur ! Privée de ma liberté, je serais prête à accueillir la mort avec plaisir.
Elle continue :
-J'ai fait régulièrement des pauses sur de petites îles, mais aucune n'était vraiment ce qu'il me fallait... pas beaucoup de nourriture, tu comprends ?
Je suis assez étonnée : vu sa taille, elle ne doit pas manger énormément. Ces îles n'étaient sûrement que des banc de sable ou des barrières de corail. J'en vois souvent quand je m'éloigne un peu du continent pour aller pêcher en mer, quand une envie de poisson me prend.
Je lui fais donc un signe affirmatif du museau, et elle continue :
-Et je suis arrivée ici ce matin.
Elle frissonne, et une de ses plumes tombe au sol.
-Je n'aurais jamais cru que les fées de ce continent puissent être pires que celles du mien. -A quoi ressemble les fées, sur ton continent ? -Elles sont beaucoup plus grandes que celles-ci, et toutes vertes. Mais sans ailes.
J'essaie de m'imaginer des fées ressemblant à cela. Je n'ai connues que deux espèces de cette race, au court de ma vie, les deux vivant près de mon territoire...
-Et celles qui ne sont pas les esclaves des knuckers sont des vagabondes qui ne pensent qu'à elles. Mais elles, au moins, elles n'essaient pas de brûler vif les étrangers parce que leurs becs ne leur reviennent pas ! -Ton continent a l'air tout aussi sauvage que le mien. -Oui, mais pas totalement. Plutôt qu'un tas de tribus, il s'agit d'un grand empire. -Un empire ?
Que de mots étranges. Je m’aperçois, maintenant, à quel point je ne sais rien du monde à l'extérieur de la jungle, et à quel point chaque continent est différent l'un de l'autre.
-Disons que tout le continent est organisé comme un seul et grand clan, et les plus faibles, surtout les fées et les équins, sont dominaient par les knuckers et les dragons... -Comment ça, les dragons ?!
Je dresse soudainement le cou, surprise, et Imissaire pousse un piaillement en reculant devant mon geste brusque.
-Excuse-moi, je ne voulais pas te faire peur. Mais tu as parlé de dragons ? -Et bien... oui, comme toi. -Mais je croyais qu'il n'y avait plus de dragons...
Si je connais peu de choses sur les différences entre les continents, j'en sais un peu sur l'histoire des races. Et si j'ai bien compris ce qu'on m'a raconté, les dragons étaient présents sur toute la surface du Monde, avant, même dans cette jungle. Mais une maladie foudroyante les a tous décimés et il semblerait que je sois la dernière... ou l'une des dernière.
-C'est vrai qu'il n'y en a plus beaucoup. En fait, je n'en ai vu qu'une seule fois, tout un groupe en survolant la Vieille Ruche, il y a environ un an. Et je n'y suis pas retournée, depuis. Je préfère rester loin de mes prédateurs, tu comprend ? Apparemment, ils ne quittent que rarement cette partie de leur territoire...
Étrange, comme comportement... je lui demande :
-Et ils étaient combien ? -Pas bien nombreux. Je dirais... une dizaine.
Je me lève, excitée : d'autres dragons ! Je n'avais encore jamais ressenti le besoin de rencontrer mes semblables, parce que CeL m'avait dit que j'étais la dernière. Mais maintenant, j'ai perdu mon désir de découvrir chaque partie de la forêt dense pour aller à leur rencontre.
Je tends la patte vers Imissaire et lui demande :
-Viens avec moi. -Pourquoi ? Tu veux qu'on aille où ? -Voir CeL. -C'est qui, CeL ?
Je réfléchie un instant à comment le lui dire... puis je lui répond tout simplement :
-Ma mère. -Quoi ?
Elle se met à gratter le sol de ses griffes, visiblement mal-à-l'aise :
-Mais pourquoi tu veux que je vienne avec toi pour rencontrer ta mère ? -Oh, tu verras ! Allez, monte !
Sans doute parce qu'elle n'a pas envie de me fâcher, Imissaire saute donc sur ma patte. Je prend rapidement mon envol, passe par-dessus de la canopée et tourne dans la direction de la caverne où se trouve sa tige principale.
-Hey ! Mais attend moi !
Surprise, je m'arrête pour faire du sur-place et me retourne. Le petit oiseau noir bat frénétiquement des ailes pour me rattraper.
-Mais... qu'est-ce que tu fais là ? -Tu es allée trop vite ! Je n'ai pas pu me tenir ! -Oh... pardon.
Du-coup, nous décidons de voler ensemble. C'est assez agaçant, l'oiseau est extrêmement lente... comparée à un dragon, tout-du-moins... et il nous faut du temps pour arriver à destination.
L'air sent l'habituel odeur du pollen légèrement épicé qui a bercé mon enfance. La roche sous mes griffes a quelque-chose de réconfortante et de familière. J'y ai dormi dessus pendant des années, avant de prendre mon envol et de me faire mon propre nid. L'intérieur n'est absolument pas sombre, car les racines et les lianes de CeL laissent échapper une lueur violette et douce qui donne une atmosphère légèrement mystique à cet endroit.
-Mais qu'est-ce que... ? Commence Imissaire en sautillant à mes côtés.
Jusqu'à se que l'un des bulbes ne se dresse et ouvre ses pétales pour l'inonder de sa lumière. Elle pousse un cri de terreur et s'exclame :
-Iiih ! La Mandragore !
En quelques coups d'ailes, elle vient se percher sur mon museau, toute tremblante. Je ris et lui dis :
-Hey ! Bouge de là, tu me caches la vue !
Elle se déplace sur l'une de mes cornes et je commence à marcher dans la grotte. Les bulbes s'éveillent les uns après les autre et viennent me donner des coups sur les écailles.
-Ils vont nous manger ! -Mais nooon ! Tu as peur que tout te mange, toi, hein ?
Je les repousse d'un léger coup d'aile et leur dit :
-Je n'ai pas le temps de jouer. Je dois parler à CeL.
Alors les bulbes et les racines s'écartent pour me laisser passer et je me dirige vers le centre de la caverne.
Je sens Imissaire s'agiter sur ma tête et elle me demande :
-Attend une minute... CeL, c'est la Mandragore ? -Oui. -Mais tu... j'ai... tu as dit que c'était ta mère ? -C'est elle qui m'a élevée.
Au début, elle ne le voulait pas, mais il faut croire que personne ne peut résister à un joli petit museau comme le mien, surtout quand il est dragonnet. Je me rappelle encore de mes premières nuits, où elle m'avait chassée de la caverne après m'avoir nourrit. Je n'aurais sûrement pas survécu si elle ne m'avait pas sauvée la vie quand j'avais croisée le chemin d'une panthère, qui avait songé que dévorer un bébé dragon serait une bonne idée... je l'ai retrouvée un an plus tard, lors de ma première chasse, et c'est moi qui l'ai dévorée, finalement. CeL, de son côté, avait finalement pris pitié pour moi et a veillé sur moi durant les années qui ont suivi.
Je dois faire très attention pour ne pas marcher sur les tiges que recouvrent le sol. Une fois arrivée près d'un grand rocher, CeL se dresse devant moi. Quand j'étais plus petite, elle me semblait être un monde à elle toute-seule tellement je la voyais grande... aujourd'hui, son grand bulbe luisant est aussi gros que ma tête. Elle reste impressionnante, mais nous sommes de force égale, maintenant.
Les quatre pétales vertes qui l'entourent se mettent à battre, émettant un son vibrant qui forme des mots :
-Bonjour, Xyria. -Elle parle ? Piaille Imissaire, surprise. -Oui, tout comme toi.
Je m'approche pour frotter mon museau contre sa tige avec affection, et deux racines me caressent le dos. Des jeunes pousses viennent alors au-dessus d'Imissaire pour l'illuminer. Elle lâche encore un cri effrayé, et je lui dit :
-N'ai pas peur. Elle te regarde, c'est tout. -Comment ? Elle n'a pas d'yeux ! -Je n'ai jamais trop compris. Une histoire de lumière et d'ombre, je crois...
CeL me l'a expliqué, une fois, comme quoi la lumière lui renvoyait l'ombre de ce qu'elle touchait et qu'elle en devinait la forme, ainsi, mais je n'ai pas bien saisi comment ça marchait et ma curiosité pour cela s'est vite envolée pour m'intéresser d'avantage à mes capacités draconniques qui se développaient alors petit-à-petit.
Je passe quelques minutes à expliquer à la plante géante ma rencontre avec Imissaire, ainsi que sa révélation. Je finis par lui demander :
-Je ne comprend pas : je croyais que tu avais dit qu'il n'y avait plus de dragons, à part moi, à travers le Monde ? -Je t'ai dit que je ne ressentais pas la présence d'autres dragons, pas qu'ils avaient disparu. -Comment ça se fait ? Je croyais que tes racines allaient partout et que tu sentais chaque vie. -C'est plus compliqué que cela, Xyria. Je ressens les vibrations de la terre, les mouvements des êtres vivants, et à l'époque où les dragons étaient nombreux, ils étaient très reconnaissables. Vous êtes une espèce bruillante et lourde.
Je me demande comment je suis sensée prendre cela.
-Si effectivement, il reste des dragons sur le Continent des Grands Monts et que je ne les ai pas ressentis, soit c'est qu'ils sont devenus un peuple très calme, soit c'est qu'il ne sont vraiment pas nombreux. -Alors, mon espèce n'a pas disparue ? -C'est fort possible, et je ne t'ai jamais dit le contraire.
Mon museau s'étire dans un large sourire en apprenant la nouvelle. Je parcours le sol du regard à la recherche d'Imissaire, qui s'est installée sur le rocher et nous regarde avec curiosité.
Je lui dis :
-Tu vas me conduire jusqu'au Continent des Grands Monts ! -Quoi ?!
L'oiseau se dresse, surprise et semblant un peu effrayée, peut-être même agacée.
-Mais pourquoi ? -Pour que je rencontre mes semblables, bien-sûr ! -Mais... mais... et la knucker qui me recherche ? -Pf ! Qu'est-ce que tu veux qu'une knucker me fasse ? Je serais là pour te protéger. Et si elle insiste trop, je n'aurais cas la dévorer vivante. -Soit prudente, Xyria, intervient CeL.
Je me tourne vers elle.
-Depuis la bataille que j'ai ressentie sur le Continent des Grands Monts, le soir où tu es arrivée dans mes racines, les choses se sont calmées, les brusques mouvements d'un conflits sont rares. Selon-moi, ça ne peut signifier que deux choses : la paix ou la tyrannie. Les knuckers ont envahie le territoire des fées et ils y règnent. Ton arrivée pourrait être mal prise. Qui plus est, si il y a effectivement d'autre dragons, là-bas, ils ne t'accueilleront pas forcément à pattes ouvertes. Vous êtes une espèce territoriale... -Oh, je t'en pris !
Je lève les yeux au ciel.
-Je suis la créature la plus puissante et la plus rapide de la forêt dense, sûrement plus que n'importe quel dragon après avoir passé autant de temps à virevolter sous la canopée. Et je suis certaine que ce sera pareil là-bas. Un groupe de knuckers ne pourra rien contre moi. Et si je me retrouve face à un clan de dragons hostiles...
Je fais un rapide mouvement de la patte, imitant mon corps en vol :
-... je n'aurais cas m'envoler très vite, comme je sais si bien le faire.
Ou mieux : je tue leur chef et je prend sa place. Meneuse d'un clan de dragons... maintenant que je sais que c'est encore possible, l'idée me plaît bien.
CeL ne tente pas d'avantage de me convaincre de rester. De toute-façon, elle ne le pourra pas. Maintenant que je sais qu'il y a d'autre dragons que moi, je veux les rencontrer ! Mon instinct semble même me pousser à les rejoindre. Il m'a appris tout ce que je sais sur mon espèce et j'ai développée mes facultés toute seule. Maintenant, si j'en ai la possibilité, je veux en apprendre plus sur les autres et sur moi-même.
Je baisse à-nouveau le museau vers Imissaire et lui demande :
-On y va ? -Mais... euh... je n'ai pas fait tout ce voyage pour y retourner comme ça ! -Oh, allons, tu préfères rester ici, à la merci des fées rouges ?
Elle pousse un piaillement, semblant penser que c'est une menace ou du chantage, et avant qu'elle ne puisse protester autre-chose, je lui demande :
-En plus, j'imagine que tu dois avoir envie de retrouver tes terres.
C'est sûrement vrai, car la pie réfléchit quelques secondes, avant de me demander :
-Tu me protégeras ? C'est promis ? -Bien-sûr ! Voilà ce que je te propose : toi, tu me guides là où je veux aller, et moi, je te protège, et en plus je partage ma nourriture avec toi. -Bon, euh... d'accord.
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| | | Xyria Admin
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| Sujet: Re: (Roman) La Destinée de Xyria. Sam 5 Jan - 23:24 | |
| - Chapitre 7:
Le miroir aquatique de l’océan, qui s’étend en-dessous de moi, me renvoie l’ombre écarlate de mon propre reflet, alors que je file à ce que j’appelle “ma vitesse de croisière”, qui se traduit à me laisser porter par l’air et à battre des ailes pour me redresser dès que je sens que je retombe. J’aime bien voler au-dessus de l’eau, surtout durant les jours de grands soleil, comme aujourd’hui. Il y a toujours cette espèce de pression qui remonte, qui est due, je suppose, à l’évaporation. Cette pression qui me maintien en l’air, même lorsque je commence à fatiguer… ce que, j’ai du mal à me l’avouer à moi-même, m’arrive toujours, au bout d’un moment. Je suis rapide en vol, agile lorsque je me déplace, et d’une force exceptionnelle… mais mon endurance laisse un peu à désirer, mes ailes finissent toujours par me faire trop mal pour que je continue durant une trop longue période. Mais au moins, ici, je suis en partie portée et c’est moins difficile.
Ainsi, après avoir passées trois heures à voler, je commence à ressentir la fatigue qui me gagne. Imissaire s’est trouvée un petit coin entre mes épaules, où mes écailles forment un creux où elle a pu se lover sans prendre le risque de se faire emporter par les bourrasques. Elle a même finie par s’endormir. Histoire de me reposer un peu les ailes, je les étend largement et me contente de planer en descente tranquille vers l’eau. Je vais y tremper les griffes, c’est toujours très agréable…
Une vaguelette m’indique que quelque-chose ne va pas. C’est peut-être ce qui me permet de réagir à-temps. La surface semble exploser soudainement et quelque-chose jaillit dans ma direction. Je me fais éclabousser abondamment au passage. Alors qu’une puissante décharge d’adrénaline traverse mes veines, je me remet à battre des ailes et remonte rapidement. Cela réveil Imissaire, qui piaille de surprise. Quatre longue tentacules grises se tendent vers moi et manquent d’entourer l’une de mes pattes, mais pas assez rapidement, j’arrive à leur échapper. Lorsque j’atteins une auteur suffisante et que je rebaisse le museau, je vois une énorme mâchoire pleine de longues dents pointues et aiguisées comme mes propres griffes qui émerge d’entre les tentacules et qui m’observe de ses yeux rond et sombres comme des perles. Un jet d’eau sort d’un trou dans son crâne tendis qu’il semble souffler de frustration.
Le coup de l’émotion passé, je m’exclame à l’adresse de la pie :
-Regarde ! C’est un léviathan ! -Je ne sais pas ce que c’est et je ne veux pas le savoir !
Les battements de mon cœur se calment rapidement. La peur que j’ai ressentie un peu plus tôt se transforme en excitation. Je décide d’ignorer la seconde demande de la pie et lui explique :
-CeL m’a raconté que les léviathans faisaient partie des trois grands titans du Monde, des animaux géants qui l’ont forgé. Ils étaient ses premiers habitants, mais ils ont aujourd’hui presque tous disparus. Le béhémoth, un verre sous-terrain, le rokh, un oiseau gigantesque, et le léviathan, un prédateur marin.
Elle prétendait même que les rokhs étaient suffisamment énormes pour dévorer des dragons… mais je n’y ai jamais vraiment cru. Aucune créature ne peut dévorer un dragon, nous sommes déjà les prédateurs parfaits. Et encore moins un énorme faisan.
Je recommence à voler tout-droit et le léviathan me suit, visiblement aussi têtu que moi quand il s’agit d’attraper sa proie. Son long corps reste sous l’eau, mais je vois encore son ombre sinueuse qui se propulse à la force de ses puissantes tentacules. Si on ne compte pas ces quatre appendices, qui doublent sa longueur, en fait… :
-Mais elle disait qu’ils étaient presque aussi grands qu’une île. Celui-là a l’air de faire à-peine ma taille. C’est peut-être un petit. Ou alors, elle a tout simplement exagéré…
Je souris et lui propose :
-On se rapproche pour le voir de plus près ? -Ah, non ! Pas question ! -Ooh, ne soit pas si trouillarde ! Il ne peut pas voler, il ne nous fera rien. Regarde… -Je n’ai pas envie de regarder !
Je descends doucement vers l’ombre, et cette dernière tend à-nouveau ses tentacules dans ma direction. Je reste à une distance limite pour être certaine qu’il ne puisse pas m’attraper. Désolée, le poulpe, ce n’est pas aujourd’hui que je me ferais manger par un gros poisson…
Le léviathan nous suit pendant encore une heure, durant laquelle je m’amuse régulièrement à lui faire tenter de m’attraper, je vais même jusqu’à donner des petites tapes avec ma patte sur le bout de ses tentacules, puis il finit par se lasser et disparaître. Ou alors, il s’est enfoncé un peu dans l’océan et attend que je m’approche encore pour ressurgir et me piéger. Je me demande cependant si il est assez intelligent pour ça. En tout-cas, bien que l’adrénaline, sur le moment, m’a permis de tenir, la fatigue revient. Au loin, une longue ligne de terre apparaît…
Je demande à ma passagère, que la peur a maintenue éveillée :
-C’est ça, le Continent des Grands Monts ?
Cette ligne est couverte de bosses plus ou moins hautes et plus ou moins pointues, comme une forêt géante avec des arbres de différentes hauteurs. Je sens les griffes de la pie qui s’accroche à mes écailles tendis qu’elle remonte sur ma tête pour mieux voir.
-Oui. Je crois. -Nous y serons sûrement d’ici une heure, une heure et demi…
Mais je ne pourrais pas tenir, je me sens vraiment épuisée. Il est rare que je vole aussi longtemps sans me poser. Par chance, les petites îles que je survole depuis notre départ se sont multipliées, maintenant, j’ai plein d’endroit où atterrir…
-Posons-nous pour la nuit. -Quoi ?! Tu veux te rapprocher de l’océan ? Avec ce monstre qui rode ?! -Il est parti. -Si ça se trouve, il a juste plongé et il s’apprête à nous attraper dès le moment où tu vas descendre.
Elle a donc eu la même idée que moi. Je ne suis pas surprise, vu sa façon de paniquer facilement et de toujours envisager le pire.
-Peu importe. Je vais me poser sur une île, pas sur l’eau. Il ne pourra pas nous attraper.
Lorsque je me pose, je fais quand-même en sorte de me mettre face à l’océan, afin de surveiller que rien n’en surgisse pour me suivre. Mais à-part les vagues qui viennent s’écraser et déformer la plage, rien n’en sort. Il a bien abandonnée la traque.
Je prend le temps de regarder autour de moi. Il s’agit d’un îlot fait de sable, de rochers et de quelques palmiers. Il y a bien quelques crabes qui se sont enfoncés dans leurs trous à mon arrivée et des mouettes, mais sinon je n’y trouverais rien à-manger. Si toutes les îles ressemblent à celle-ci, je comprend, finalement, pourquoi Imissaire a préféré continuer à-cause du manque de nourriture.
-Il y a beaucoup à-manger, sur le Continent des Grands Monts ? -Oui, me répond-elle, autant que sur la forêt dense, je suppose. Les proies y sont juste différentes. -On y trouve quoi ? -Des biches. Des sangliers, aussi. Et des ours...
Parfait. Dans ce cas, je chasserais demain. En attendant, je me contente de me creuser un petit creux confortable dans le sable, puis je m’allonge.
La nuit tombe rapidement, et je ne vois bientôt plus le continent. Je suis bercée par le bruit des vagues qui vont d’avant en arrière, et j’admire le ciel étoilé. C’est quelque-chose qui m’a toujours détendue, même si je le fais chaque nuit où cela m’est possible, aussi loin que je me souvienne, je ne m’en lasse jamais.
Je demande à Imissaire :
-Parle moi encore du continent. A quoi il ressemble ? -C’est un continent très forestier, mais pas comme la forêt dense. C’est moins humide, mais il y fait plus froid et beaucoup plus brumeux. La plupart des arbres y sont pointus -Combien de temps nous faudra-t-il pour arriver à l’endroit où se trouve les dragons ? -Ils se trouvent au centre de l’île. Sûrement une journée, vu la vitesse à laquelle tu vol. -Chouette !
Nous discutons encore un peu. De ce que je comprends, la forêt de pins des Grands Monts est bien moins inhospitalière que celle tropicale où j’ai grandi. Pas de sables mouvants, pas de très gros prédateurs, sauf les loups et les ours, et même pas de serpent particulièrement venimeux. Le seul danger, pour moi, ce serait les autochtones, mais ils ne m’inquiètent pas particulièrement.
Après un peu de temps, nous finissons toutes-les-deux par nous endormir...
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| | | Xyria Admin
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| Sujet: Re: (Roman) La Destinée de Xyria. Dim 9 Juin - 22:22 | |
| - Chapitre 8:
Chapitre VIII
Je laisse tomber mon cerf sur le sol couvert d’aiguilles de pins de la forêt et me pause à sa suite. Imissaire, qui était restée lovée sur une branche depuis que je l’avais laissée sur place le temps d’aller chasser, descend et sautille dans la direction de ma proie, mais ne semble pas oser s’en approcher, elle m’observe d’un air inquiet, comme si j’allais la défendre de son petit bec avide. Sérieusement, elle n’a toujours pas confiance en moi ?
Je ne cache pas mon rire amusé devant son air presque mendiant et lui fait un signe de la patte pour l’inviter à se servir.
-Merci !
Et elle se jette sur la cuisse du cerf pour arracher quelques lambeaux de chaire. Ce n’est pas ce qu’elle va manger qui va me manquer, de toute-façon, vu sa taille par-rapport à la mienne…
Avant de commencer à manger, je lève une patte pour observer les drôles de petites feuilles en forme de brin d’herbe brune toutes dures qui se sont collées au sang qui les recouvre. Mh… je n’aime pas trop ce détail de ce territoire. Et j’ai beau la secouer pour m’en débarrasser, dès que je la repose, ça recommence. En plus, l’humidité ambiante colle également les aiguilles à mes écailles un peu partout sur mon corps. Et enfin : il fait drôlement froid ! Non-pas que je ne peux pas le supporter, mais je n’en ai pas l’habitude. Dans la jungle, il fait à la fois humide et chaud. Ici, c’est humide, mais en plus l’air est frai et le vent souffle, et il y a ces maudites aiguilles qui collent et se glisses dans les interstices entre mes écailles et qui me démangent ! Je commence à regretter mes amies les fées de la Forêt Dense, qui se seraient faites un plaisir de m’en débarrasser.
Je prend une bouchée et je dis :
-Tu avais raison : il fait froid, ici. -Tu veux déjà repartir ? -Non. Ce n’est pas quelques intempéries qui vont me mettre en déroute. Il faut juste que je m’y habitue. -Pourtant, il fait doux, en cette saison. Moi, j’avoue que ça m’a manqué. L’humidité chaude de la jungle est beaucoup plus désagréable !
Personnellement, je trouve que c’est l’inverse, mais je devine que c’est une question d’habitude et qu’il sera donc inutile de lancer un débat à ce sujet. Je préfère garder le silence.
Après notre repas, Imissaire remonte sur mon dos et je reprend mon envol au-dessus de la cime des arbres. Ils sont moins hauts que ceux de la Forêt Dense, et la végétation est beaucoup moins rapprochée. Je survole régulièrement des prairies et zones dépourvues d’arbres où des proies prennent la fuite en me voyant. J’y vois même ce que je prend au début pour un dragon, un reptile à quatre patte au long corps de serpent avec de toutes petites ailes. Mais le temps que je m’arrête pour faire demi-tour, il a disparu dans le sous-bois.
-Qu’est-ce qui te prend ? Me demande Imissaire. -Tu n’as pas vu ? On aurait dit un dragon, mais plus petit, et bizarrement allongé…
Est-ce que les dragonnets ont cette forme ? Je ne me souviens plus d’à quoi je ressemblais, quand j’étais petite.
-Ce devait être un knucker, me répond-elle. Tu n’en as jamais vus ? -Si…
Je reprend mon vol.
-Mais ils n’ont pas de pattes, dans la Forêt Dense. Et ils ont des plumes sur le dos et les ailes. -Ah bon ? Ça doit faire bizarre. -Il n’en ont pas besoin, pour se déplacer d’arbre en arbre et dans les eaux. Je suppose que ça les gênerait pour glisser. -Et les plumes ? Ça leur sert à quoi ? -Aucune idée...
Une différence d’évolution qui dépend du milieu de naissance de l’espèce, sûrement, exactement comme les fées dont Imissaire et moi avons parlé peu de temps après notre rencontre. Ces plumes ont dû avoir une utilité par le passé, si elles n’en ont plus maintenant. J’ai visiblement encore beaucoup de choses à apprendre, autant sur les différences entre les territoires que sur les habitants de chaque territoire, même du mien…
Je survole la forêt qui recouvre le bord de ce continent pendant environ une heure, avant d’arriver au niveau des montagnes. Là, en revanche, j’admets être impressionnée : elles sont largement plus hautes et plus étendues que les falaises rocheuses que l’on trouve chez moi, bien qu’encore couvertes par ces arbres à aiguilles que je n’aime vraiment pas.
Je demande à Imissaire :
-Si j’ai bien compris, la zone où tu as repérés les dragons se trouve au-milieu de ces montagnes ? -Oui. Au niveau de la grande ruche. D’ailleurs, il doit y avoir quelques fées, dans le coin. -Bien. Je me pose un instant pour boire et nous volerons au-dessus.
Je commence enfin à m’habituer au froid. Le feu qui ronfle en moi et se répand dans mes veines semble avoir augmentée d’intensité pour me permettre de le supporter. Encore un avantage à être un dragon : nous nous faisons rapidement à tous les environnements… ou alors, c’est juste mon corps à moi qui est exceptionnel, ce qui ne me surprendrait pas.
Je me pose près d’une rivière et va y tremper le museau…
-Ouch !
Je me redresse en me tenant les mâchoires. Surprise, Imissaire me demande :
-Qu’est-ce qu’il y a ? -C’est froid ! Ça m’a fait mal aux dents ! -Ah oui, ça, il ne faut pas boire trop vite. -Je n’ai pas l’habitude d’une eau aussi froide !
Bon, en buvant un peu plus lentement, j’arrive à me désaltérer. Mais je me redresse brusquement en entendant un ploc, un peu plus loin.
-C’est quoi ?
Je marche en direction du bruit, lorsqu’un autre ploc retentit à ma droite. Je tourne le museau, part dans cette direction… et un autre ploc retentit juste derrière moi.
-Je n’aime pas ça, marmonne Imissaire. -Moi non-plus ! C’est en-train de m’énerver !
Ploc…
Cette fois-ci, j’ai bien vu ce que c’est : quelqu’un s’amuse à lancer des cailloux contre les troncs des arbres autour de moi pour m’attirer.
-Xyria, me couine Imissaire, envolons-nous. C’est clairement un piège.
Mais je l’ignore et gronde :
-Hey ! Cette blague ne me fait pas rire ! Sort de ta cachette immédiatement !
Les feuilles tremblent à ma droite.
-Je t’ai vu !
Et je cours dans cette direction. Imissaire sort de sur mon dos pour éviter de se faire secouer et part se poser dans un arbre pendant que j’arrache le buisson d’un coup de patte… mais à part de la terre retournée, il n’y a rien.
-OK, là, ça devient ridicule !
Je regarde autour de moi et menace :
-Je vais souffler le feu et brûler cette forêt si tu ne te montres pas tout-de-suite ! -Tu ne vas pas faire ça ?! Piaille Imissaire.
Mais non ! Bien-sûr que non, je veux juste faire peur à ce petit plaisantin pour le forcer à se montrer et le secouer un bon coup pour lui apprendre à ne pas embêter un dragon. Ce qu’elle peut être naïve !
J’ouvre à-nouveau la gueule pour menacer, mais quelque-chose se serre autour et me force à la garder fermée. Je ne peux lâcher qu’un petit :
-Scouic !
… de surprise et j’essaie de me débloquer la mâchoire, mais l’espèce de liane rêche qui me la retient est résistante.
Les êtres qui osent m’attaquer se mettent à me tourner autour à grande vitesse. Je tente de les repousser d’un coup de patte, mais ils m’esquivent… et je me retrouve avec le même genre de liane attachée autour du membre que je viens d’agiter. Avant même que je ne puisse réagir, une autre est liée à l’une de mes pattes arrières.
-Grr !
Je lève cette patte et l’être qui retient la liane tombe. Il est bipède, le corps couvert d’une sorte de carapace verte brillante, aux longs membres, et il lève vers moi une tête pointue aux yeux oranges et aux antennes tordues… c’est ça, une fée des Grands Monts ?
Deux autres se joignent à elle au moment où elle se relève et elles tirent la liane à trois. Elles espèrent sûrement profiter de ma surprise pour me faire perdre l’équilibre. Je réussis à ne pas tomber, pousse un grondement de colère et me jette vers elles afin de les écraser sous mes serres, mais quelque-chose me retient par ma patte-avant : trois autres fées tiennent l’autre liane et forcent pour limiter mes mouvement. Vous êtes peut-être plus grandes que les fées de la Forêt Dense et plus nombreuses que moi, mais votre force est loin d’être équivalente à la mienne !
Je tire des deux côtés et elles partent en-avant. J’ai l’espoir de les faire tomber et de prendre le dessus, mais quelque-chose me tombe sur le dos et je sens une désagréable douleur le long de ma colonne vertébrale. J’ai deux autres fées sur moi et elles me piquent avec des bâtons pointus. Je pousse un grondement, et celles qui me retiennent tirent, aidées par des renforts qui se sont jointes à elles. Cette fois-ci, je ne peux pas tenir et je tombe à plat-ventre. D’autre fées sortent des buissons et se mettent à m’attacher.
Non ! Non, de simples fées ne peuvent pas me battre ! Je m’agite pour les chasser, mais elles parviennent à me déconcentrer grâce à leurs bâtons qui continuent à me piquer à différents endroits de mon corps et finalement, je me retrouve avec les ailes plaquées sur le corps, le museau bloqué, et les pattes liées entre elles, la queue au-milieu du nœud. Je ne peux plus bouger !
Les fées m’entourent. Elles doivent être au moins une vingtaine. L’une d’entre-elles s’approche de mon museau et me regarde de haut. Je lui montre les dents, et elle me fait un sourire. Son visage est balafré et ses antennes tordues.
-Bien, bien, me fait-elle, qu’avons-nous attrapé là ?
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| Sujet: Re: (Roman) La Destinée de Xyria. Dim 9 Juin - 22:23 | |
| - Chapitre 9:
Chapitre IX
-C’est sûrement une reine knucker ! -Bien-sûr que non. Ce n’est pas possible. -Et pourquoi ce ne serait pas possible ? -Parce que les knuckers ne sont pas des fées. Ils n’ont pas une reine qui pond les œufs de leur ruche, comme nous. -C’est vrai. Eux, ils se reproduisent comme des knuckers.
Ces fées qui m’entourent passent plusieurs minutes à discutailler ainsi, à débattre de ce que je pourrais bien être. J’ai envie de me libérer les mâchoires, non-seulement pour les griller sur place, mais aussi pour leur crier dessus : c’est pourtant évident, ce que je suis, bon-sang !
Finalement, c’est la meneuse de ce petit groupe qui finit par les couper et met ainsi fin au débat :
-Arrêtez de vous chamailler, mes sœurs. Ce n’est ni un knucker géant, ni un lézard. Ça, c’est un dragon.
Ah, enfin ! Certes, j’aurais préféré qu’elle me nomme comme ce que je suis réellement, à-savoir une dragonne, et non un dragon, mais c’est déjà mieux.
Les autres fées prennent un air choqué, et je m’en demande bien la raison. On dirait que leur meneuse vient de dire la plus grosse ânerie du monde, genre que le ciel est rose, elles la regardent comme si un sapin était en-train de lui sortir des oreilles.
L’une d’entre-elle commence par dire :
-Mais enfin, cent-soixante-douze, c’est impossible ! Tu sais bien que notre seigneur les a tous exterminés. -Oui, je le sais. Pourtant, c’en est bien un. J’ai servi de notre seigneur d’assez près pour savoir à-quoi ressemble un vrai dragon. Et ça, c’en est un. -Mais c’est une catastrophe !
Toute les fées se tournent vers celle qui vient de crier cela.
-Il va être terriblement en colère ! Il pense les avoir tous tués ! Si il apprend qu’il s’est trompé, il risque d’être fâché et de se venger sur nous. -Oh, ma pauvre Deux, tu vois toujours les choses dans le mauvais sens.
La meneuse a un large sourire et pose un regard avide sur moi.
-Il sera, certes, en colère d’apprendre que d’autres dragons vivent encore, mais il ne sera pas en colère contre nous, seulement contre ce mauvais coup du destin. Au contraire, il nous sera sûrement très reconnaissant de lui avoir fait comprendre qu’il en reste encore et d’en avoir capturé un pour lui. Il va nous récompenser.
Elle penche son visage pointu sur moi :
-Alors merci, le lézard. Grâce à toi, nous avons une chance d’avoir une nouvelle vie de luxe.
Je montre les dents à cette fée, qui ne semble me voir comme rien d’autre qu’un trophée de chasse, et mon grondement est caché par les cris de joie de ses semblables :
-Par notre Mère, tu as raison ! -Nous allons avoir droit à d’avantage de nourriture ! -Peut-être même aurons-nous le droit de rejoindre son armée ! -Dire que nous étions partis pour chasser l’ours, à la base…
Quelques minutes après cette annonce, les fées utilisent les lianes pour me tirer et me faire monter sur une plateforme en bois sur roulettes à laquelle sont attachés deux pégases gris, qui tirent l’objet. Les étalons n’ont pas de queue, ni de crinière, ou si ils en ont, elles sont drôlement courtes, comme si on les leur avait coupées. Les plumes de leurs ailes sont froissées par les liens qui les entourent, mais ils semblent être aussi joyeux à l’idée de se qui m’attends que leurs camarades insectoïdes. La plateforme ne semble pas avoir été faite à la base pour une créature de mon gabarie, si bien que ma queue traîne au sol. Mais elles arrivèrent à me lier afin que j’y reste accrochée. Et c’est ainsi que nous commençons notre voyage…
J’ai fini par abandonner l’idée d’essayer de me libérer par la force. Les écailles de mes membres et de ma mâchoire me font mal là où j’ai forcé pour essayer de briser mes liens. Je ne sais pas en quoi elles sont faites, mais ces lianes sont beaucoup plus solides que celles qui pendent aux arbres de la Forêt Dense, qui ne formaient éventuellement qu’une gêne pour moi lorsque je rentrais dedans en vol. La meneuse s’est assise sur mon dos, ce qui ne fait qu’ajouter à ma honte et à ma frustration. Incapable de bouger, je ne peux que maugréer silencieusement et réfléchir à ma situation.
J’ignore ce qui m’attend, et cela m’inquiète. De quoi ces fées ont parlé, déjà ? Un soit-disant seigneur qui aurait exterminés tous les dragons ? De toute-évidence, il doit s’agir d’un alpha des plus puissant, pour qu’il puisse tuer mes semblables et faire à ce point peur aux fées. Et vu qu’elles ne parlent pas de lui comme de leur reine, ce doit être autre-chose… une autre race que je ne connais pas encore ? Un roi fée ? Je suppose que je saurais bientôt de quoi il en retourne, et l’inquiétude me tord l’estomac. Mais peu importe ce qui m’attend : dès la première occasion, je me libérerais et j’y ferais face ! Ces fées vont regretter leur façon de me traiter !
Les pégases tirent la plateforme à-travers les montagnes. Tendis que nous montons, une légère brume nous entoure et s’épaissit avec le temps. Ils m’amènent visiblement là où je comptais me rendre, guidée par Imissaire, de toute-façon. Oh, oui, c’est vrai, Imissaire : où est-elle ? Je lève les yeux, mais mon champ de vision est limité. Du peu que je vois, en tout-cas, elle n’est pas en-train de nous suivre. Elle a dû s’enfuir dès le début de l’attaque… et c’est tant-mieux pour elle. Elle n’aurait rien pu faire, de toute-façon, et je ne vais pas lui en vouloir pour ça. J’espère juste que cette petite créature fragile s’en sortira sans moi.
Les heures passent et l’inquiétude finit par céder la place à l’ennui, puis à la somnolence. J’ignore depuis combien de temps nous voyageons, mais je sursaute à-moitié lorsque le silence est soudainement rompu par une voie perçante, désagréable, qui me vrille les oreilles :
-J’ai l’impression que cette balade me craquelle les sabots, tu ne trouves pas ?
Et une voix dont le timbre me fait penser à une grenouille lui répond :
-Oh, mais bien-sûr que non, maîtresse. Vous êtes la perfection incarnée. Rien ne peux abîmer quoi que ce soit, chez vous.
La voix agaçante reprend :
-Oui, c’est on ne peut plus clair, mais quand-même, j’ai l’impression qu’ils sont tout secs. Hors de question que je me présente à notre seigneur ainsi. Je les ferais humidifier une fois de retour à ma chambre. Oh, tien !
D’entre les arbres apparaît une petite licorne juvénile à la robe brune tachetée de blanc, accompagnée de se que je devine, cette fois-ci, être un knucker. Il possède un corps long et qui zigzague lorsqu’il se déplace ventre-à-terre tel celui d’un serpents muni de quatre pattes menus, avec deux toutes petites ailes qui entourent une bosse sur son dos, et des yeux jaunes globuleux qui font sembler son museau drôlement petit. Il suit la pouliche en restant le plus à-plat possible au sol, seul ses yeux relevés pour regarder ce qu’il se passe.
Le petite jument, elle, est droite et sautille sur place en s’approchant des fées et leur dit de sa voix joyeuse :
-Bien le bonjour, chères fées ! -Bonjour, votre seigneurie.
Les fées, tout du moins celles que j’arrive à voir, s’inclinent devant la pouliche. Même la cheffe descend de mon dos pour se prosterner. Euh… quel étrange comportement. Elles agissent envers elle comme si il s’agissait d’une alpha, alors qu’elle est encore bien jeune et ne semble pas du-tout dangereuse. On dirait une enfant qui découvre simplement le monde.
-Mais qu’est-ce que vous avez trouvé là ? Ce n’est pas un ours. -Non. C’est un dragon, votre seigneurie. -Un dragon ?
La licorne perd soudainement son air juvénile pour en prendre un surpris et sérieux qui la fait soudainement sembler beaucoup plus adulte. Elle s’approche pour me regarder de plus près…
-Mais c’est impossible.
… et alors qu’elle se penche vers moi, elle ajoute :
-Et ces pourtant vrai.
Ses iris violettes brillent d’une telle intensité que je me sens presque hypnotisée par ces dernières. Toutes sortes de nuances d’émotions bien trop adultes pour son physique les traversent. Elle marmonne un instant pour elle-même, si bas que même d’ici, j’ai du mal à la comprendre, mais ça semble tourner autour de ce fameux seigneur et d’une possible récompense… encore… et finalement, elle retrouve son sourire et son air juvénile pour se redresser et dire :
-Et bien, c’est un splendide cadeau à faire à notre seigneur ! Merci de l’avoir amené ici. Je vais prendre la suite. -Quoi ?!
Les fées semblent choquées par cette décision, mais se contentent de se regarder d’un air désespéré sans rien oser dire. La cheffe fait bien un pas en-avant :
-Mais, euh… votre seigneurie, c’est… c’est nous qui l’avons… -Oh ! Ne me fait pas perdre mon temps !
La licorne s’approche d’elle, corne en-avant, et plutôt que de la repousser avec l’aide de ses sœurs, la fée prend un air terrifié et recule sous le regard des autres qui semblent inquiètes pour elle. Le knucker, lui, montre ses crocs en faisant un rictus amusé. Je serais bien contente de son sort, moi-aussi, si je n’étais pas complètement perdue.
-A qui appartient ce dragon, dit-moi ?
Le simple fait de répondre semble faire beaucoup de mal à la fée, mais elle dit malgré-tout :
-A… à vous, votre seigneurie. -Bien. Et qui va l’offrir à notre seigneur ? -Je… vous, votre seigneurie. -Parfait !
La licorne se redresse, tout sourire, et s’éloigne en sautillant. Elle ajoute à l’adresse des fées :
-J’emprunte votre charrette. Oh, et vous devriez vous dépêcher d’attraper un ours. Notre dieu a dit qu’il en voulait un pour ce soir et vous savez qu’il n’aime pas attendre, surtout quand il a faim. Vous, suivez-moi.
Et voilà les pégases qui tirent ma plateforme qui se mettent à suivre cette étrange licorne, accompagnés par le knucker qui rempe à ses sabots. Les choses sont vraiment de plus en plus étranges. C’est quoi, cette pouliche que tout-le-monde craint beaucoup plus que moi ? Une drôle de tradition qui met les êtres faibles en-avant ? Les choses ne peuvent quand-même pas être aussi différentes d’un continent à l’autre ! Euh… si ?
Le voyage avec la licorne est moins long que celui avec les fées, avant que, enfin, quelque-chose ne change dans le paysage. Dans la brume, je continue à distinguer les formes des arbres, et soudainement, ces formes deviennent plus petites, plus étroites. Régulièrement, je vois une tête verte et brillante sortir pour me regarder avec curiosité. Ce sont des nids de fées, des petits troncs qu’elles ont creusés pour les aménager de l’intérieur, pour pouvoir y vivre. Ils sont nombreux, je ne dois pas être loin d’une ruche. Et entre ces nids, je finis enfin par apercevoir un autre dragon.
Mon cœur fait un bond dans ma poitrine. C’est la première fois de ma vie que je peux voir l’un de mes semblables… quel dommage que ce soit dans une situation aussi ridicule ! Ce dragon a d’ailleurs une forme étrange : comme moi, il se tient sur quatre patte, mais possède également ce qui ressemble à un corps supplémentaire qui se dresse vers le ciel, avec une troisième paire de pattes levées. Il a la gueule grande ouverte, comme si il était en-train de rugir, mais aucun son ne lui échappe.
Un peu plus loin, nous croisons un autre dragon ayant exactement la même forme, mais qui me regarde d’un air supérieur tendis que nous passons près de lui. Un œil vert et un œil rouge brillent de façon anormale dans ses orbites. Il ne bouge pas tendis que nous passons devant lui. Et un peu plus loin, encore un autre, mais cette fois-ci, dans une position en essor, comme si il allait s’envoler, mais encore une fois, il ne fait aucun mouvement…
Je finis alors par comprendre : aucun de ces dragons ne peut bouger et aucun de ces dragons ne bougera jamais. Ce ne sont pas des dragons, mais des sortes de représentation sculptées dans la pierre, avec une émeraude et un rubis à la place des yeux. Des représentations de dragons dans différents mouvements, toujours impressionnants, ou montrant un air supérieur. Le prochain est représenté en-train de gronder, comme si il allait attaquer. Voilà donc pourquoi Imissaire a cru voir tout un groupe de dragons, mais qu’aucun n’a jamais fait le tour de ce continent, et pourquoi CeL n’a jamais ressentis leurs mouvements : ce ne sont pas des êtres vivants. Quelle étrange décoration. Je me demande bien pourquoi les fées qui vivent ici ont fait cela.
Nous quittons la route couverte d’aiguilles de pin pour entrer dans une caverne. Ça fait du bien de ne plus sentir la plateforme mouvante bouger dans tous les sens sur ce chemin accidenté ! Nous sommes finalement entrés dans la ruche, creusée à-même la montagne, et parcourons de nombreux couloirs de pierre. A intervalle régulier, une ouverture se fait sur le côté, et se qui n’est pas un autre couloir donne en général sur une pièce soit remplie d’alvéoles contenant des nymphes, soit d’immenses tas de pierres précieuses. J’ouvre grands les yeux devant tant de brillances, mais je n’ai jamais le temps de vraiment profiter du spectacle.
Nous continuons à monter. D’autres knuckers nous rejoignent, dans un défilé d’écailles rouges, vertes et brunes, accompagnant notre cortège. Je remarque qu’ils sont tous plus grand et costauds qui celui qui reste tout près de la licorne et me regardent d’un air mécontent. Durant un instant, j’ai vue sur le ciel lorsque nous traversons une caverne ayant une ouverture et une rivière coulant au-milieu. Et enfin, nous arrivons à destination…
Il s’agit d’une très grande salle, dans laquelle, je suppose, devrait se trouver la reine des fées. Mais a la place, une énorme colonie de knuckers y est installée. Ils forment de grands tapis d’écailles aux couleurs unis autour de feux et partagent un grand festin de viande de différentes proies que leur apportent des fées à la lueur terne. Au centre de la caverne se trouve un cercle de sable sur lequel nous pénétrons. Et au bout de ce dernier, je vois ce que je prend d’abord pour une autre sculpture de dragon à six pattes, mais largement plus grande, allongée sur un bloc de marbre, et fait dans une matière métallique blanches, avec des cornes, des griffes et des crocs en or. D’autres fées s’accrochent à la statue pour la nettoyer...
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| | | Xyria Admin
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| Sujet: Re: (Roman) La Destinée de Xyria. Mer 9 Oct - 18:02 | |
| - Chapitre 10:
Chapitre X
La fête bat son plein, dans la salle du trône où je passe le plus clair de mon temps, dans la couche taillée dans un énorme bloque de marbre, remplie de pierres précieuses si confortables et douces sur les écailles que j’appelle mon "trône". C’est toujours ainsi, chaque jour, à chaque heure. Tendis que certains des cercles de mes meilleurs soldats et des fidèles de mon église, ceux qui ont gagné le droit de déjeuner en ma divine présence, discutent bruyamment ou chantent des comptines propres aux knuckers et en mon honneur, nos serviteurs équins passent entre eux pour distribuer de la viande grillée cuite dans les cavernes voisines, et les fées se déplacent sur mon corps afin de faire briller chaque parcelles de ma personnes. Il y en a qui lustrent mes écailles à-l’aide de délicieux nectars odorants, d’autres qui limes chacune de mes griffes et de mes cornes encore et encore pour qu’elles soient parfaitement droites, parfaitement aiguisées, et d’autres encore les peignent de couleur dorée afin de me rendre encore plus parfait. Parfois, à un de mes gestes impérieux, un pégase ou une licorne m’apporte de la nourriture et je me penche pour avaler ce qui m’est donné, et juste après, une autre nuée de fées s’accroche à ma gueule pour nettoyer mes crocs. Chacun connaît sa place, chacun sait se que j’aime, chacun sait se que je veux qu’il fasse et fait se qu’il a à faire…
… comme toujours !
Tout se passe toujours comme je le veux, et c’est parfait. Mais finalement, il se passe toujours la même chose, et ce depuis que j’ai pris le pouvoir sur le Continent des Grands Monts, que j’ai tué les imposteurs, ces misérables lézards qui osaient me ressembler et voiler ma magnificence, ce qui fit de moi l’unique dragon du Monde, et réduit chaque créature à la place qui lui revient, à-savoir me vénérer et me servir, plus rien ne se passe jamais. Il y a bien quelques rebelles, sur mon continent, mais ils se cachent et n’osent plus tenter de m’attaquer depuis bien longtemps. Aux dernières nouvelles, ils se contentent de chercher un moyen de quitter ces terres pour d’autres où je n’aurais plus d’emprise sur eux. Si au moins je pouvais les trouver, j’aurais une bonne raison de sortir et de me dégourdir un peu les griffes. Mais depuis combien de temps je reste enfermé dans ce palais, à attendre que le temps passe, sans rien d’autre à faire que de laisser les choses arriver ? Même voler au-dessus de mes terres ne m’amuse plus. Et mes serviteurs semblent se contenter dans leur vie à mes pattes, je ne peux pas compter sur eux pour m’amuser autrement qu’en me vénérant…
… je veux que quelque-chose se passe ! Le destin ne peut pas m’avoir rendu aussi puissant pour que je ne fasse que rester allongé tout le reste de ma vie !
Un bruit de roues se fait entendre et Ankary entre dans la pièce. La licorne à la robe brune tachetée de blanc traverse les cercles de knuckers et les serviteurs, qui s’écartent précipitamment à son passage, et elle est suivie par deux pégases qui tirent une charrette, qui elle contient se que je suppose être un gros tas de rubis… mh, de simples rubis. J’aime bien les richesses, mais j’en ai déjà tellement. C’est intéressant, mais ce n’est pas ça qui va changer ma vie et ma vision de ce moment. Depuis que j’ai sauvée cette petite équine non-vivante et son frère en leur offrant un peu de mon propre sang à boire, cette dernière est devenue ma plus fervente et admiratrice fidèle. J’admets apprécier de la voir s’aplatir devant moi en me noyant de compliments, il n’y a rien de plus agréable à l’œil et l’oreille. Mais comme beaucoup, elle a fini par devenir ennuyeuse, voir parfois très agaçante, tellement elle peut être collante. Une chance qu’elle soit à ce point soumise à ma volonté, il me suffit de lui dire de me laisser tranquille pour qu’elle s’en aille la queue entre les jambes. Je vais lui faire plaisir, la remercier, lui donner une caresse pour ce tas de richesse, et l’ignorer pour le reste de la journée, comme toujours…
Tien, qu’est-ce que c’est que ça ?
Alors que les deux pégases s’arrêtent devant mon arène de sable où s’organise de temps en temps des combats entre soldats et prisonniers… ils ne peuvent rouler dans le sable, je suppose… et que la licorne traverse cette dernière, suivie de son knucker rouge-brun de compagnie qui rampe derrière elle en évitant de regarder les autres reptiles de son espèce, je remarque que ce tas de pierres précieuses a adoptée une forme trop étrange et uni pour être se que je pensais à la base. Soit c’est Ankary qui s’est amusée à lui donner cette forme si particulière, ce qui ne serait pas surprenant, venant d’elle, soit cette chose à une queue, un long cou, et deux yeux brillants de la couleur de l’ambre sur ce qui s’avère être sa tête au long museau pointu et qui m’observent avec une certaine surprise au fond de leurs iris. Si je fais bien attention, je peux voir également des cornes et des griffes en ivoire.
-Oooh, mon grand seigneur !
Je baisse les yeux vers Ankary, qui, sans me surprendre, est allongée devant mon trône et s’étend en compliments :
-C’est toujours une telle joie de vous voir. Je salue mon merveilleux et indescriptible dieu et je… -Ça suffit.
Autrefois, j’aimais voir Ankary et mes fidèles me faire ces saluts à rallonge, des prières en mon honneur et mettre en-avant tout ce qui me rend si merveilleux durant de longues minutes. Mais il y a des fois où ça devient vraiment ennuyeux, une perte de temps, toujours la même chose.
Je pointe la griffe vers le prisonnier et lui demande :
-Qu’est-ce que c’est que ça, Ankary ?
Il me semble que la créature me montre les dents avec insolence. Se que j’ai dit semble lui déplaire. La licorne, elle, se redresse avec un sourire angélique sur le museau pour me répondre :
-Je crois que c’est un dragon, mon tendre seigneur.
Elle se dépêche de se jeter à-nouveau au sol quand je me mets à grogner, et son knucker part se fondre dans l’ombre de mon trône. Je me dresse pour sortir de la cuve et me rapprocher doucement. Ça y ressemble, en effet. Il atteindrait sûrement à-peine la hauteur de mes genoux, si il pouvait se lever. Je me penche vers la créature, l’observe, la renifle… quel étrange parfum chaud et attirant. Je n’ai jamais encore sentit quelque-chose d’aussi agréable. On dirait l’odeur de la pierre chaude sur laquelle tomberait la pluie. Je ressens comme des chatouilles dans le ventre…
Avant de me tourner vers Ankary et de gronder :
-Tu sais que c’est impossible. JE suis l’unique dragon au monde. -Bien-sûr, mon dieu ! Il n’y a que vous, c’est indéniable. Mais il semblerait qu’un imposteur ait survécu au fléau et à votre attaque d’il y a bien des années. -Si il y avait des imposteurs encore en vie, je le saurais ! -Mon dieu, puis-je me permettre ?
Je baisse les yeux vers Grakz, le grand-prêtre des Marcheurs, Ceux qui Marchent dans le Vérité, mon église. Il s’est dégagé des autres fidèles et s’est approché de la charrette. Je lui fait un signe de la patte et il monte sur l’imposteur pour le sentir. Il pousse un grognement agacé que le knucker ignore. Il passe quelques longues secondes à le flairer, puis il finit par dire :
-Cette créature impure est bien un imposteur. Mais elle porte aussi des odeurs qui me sont étrangères, mon seigneur. Elle vient d’un autre continent.
Un autre continent…
Une terre hors de mon ombre bienfaitrice. J’ai toujours espéré pouvoir étendre ma croyance aux autres continents, mais je suis toujours tombé sur une triste vérité : je ne suis que moi. Je ne suis que seul. Mes knuckers ne tiendront jamais un continent entier sans que je sois là pour impressionner les autres espèces. Je dois donc me contenter d’apporter la lumière sur les grands monts uniquement.
Je baisse le museau vers Grakz et lui demande :
-Sais-tu si il y en a d’autre ? -Impossible à savoir, mon seigneur. Sauf si on la questionne.
"La" ? C’est donc une femelle ? Mh… intéressant. Je fais un signe de la patte et ordonne :
-Enlevez lui son bâillon.
Plusieurs knuckers approchent de sa gueule et retirent les cordes en crins de pégase qui lui retiennent le museau. Immédiatement, sa voix assez jolie, il me faut le reconnaître, se met à se répercuter à-travers la salle du trône :
-Misérables serpents sans tête sortis d’un trou à rats ! Détachez moi tout-de-suite ! Qu’est-ce qui se passe, ici ?! Tu es qui, toi ? Et puis, c’est quoi ces histoires de…?! -Silence ! Ici, c’est moi qui pose les questions ! D’où viens tu ? -Mord toi la queue, briseur d’œufs !
Sa voix est jolie, mais pas ses paroles. Ça fait longtemps que personne ne m’a insulté de la sorte et je trouve cela particulièrement désagréable. Et voilà que je me mets en colère. Je gronde et me penche pour lui crier dessus. Mais c’est alors qu’elle ouvre la gueule et m’inonde d’un long jet de flammes…
Ce n’est pas douloureux et ça ne me provoque aucune blessure. Mais la chaleur est désagréable et me pique les yeux. Je gronde et me redresse tendis que les knuckers se jettent sur elle. Derrière moi, j’entends la voix fluette de Ankary :
-Comment oses-tu ?! Personne n’a le droit de faire ça à mon dieu ! Misérable créature insolente !
Et d’autres de l’assistance l’invectivent de la même façon tendis que la nuée de reptiles réussit à lui refermer le museau et à lui bloquer les mâchoires. Les Marcheurs lui sifflent après et lui crachent même dessus.
-Mon seigneur, vous allez bien ?! Me demande Grakz. -Bien sûr, que je vais bien !
Ce ne sont pas quelques flammes qui vont me faire du mal. Je m’essuie le museau et baisse les yeux vers la dragonne. D’abord, elle semble surprise du manque de traces suite à son attaque, puis ses yeux prennent une nouvelle lueur. Celle du défit. Elle ne semble pas me prendre au sérieux. Elle me grogne dessus, et je le lui rends…
Mon grand prêtre me propose :
-Mon seigneur, si vous nous laissez nous occuper de son cas, nous pourrons lui tirer les vers du museau. -Non.
Je ne veux qu’une seule chose, maintenant : la voir souffrir pour se qu’elle m’a fait. Tant-pis pour les autres imposteurs qui peuvent éventuellement se trouver sur un autre continent : elle va mourir dès maintenant. Je vais avoir enfin un peu d’amusement, depuis le temps que j’attends ça…
Je retourne dans mon trône, où les fées se dépêchent de me grimper dessus pour venir nettoyer mon museau noirci, puis j’ordonne :
-Détachez lui les pattes et jetez la dans mon arène.
Les knuckers se mettent à crier de joie. Ils ont l’air ravi à l’idée d’avoir un combat. Mais que pourrais-je bien faire ? Envoyer mes troupes contre elle ? Mmmh… non, pas assez impressionnant. Finalement, cette misérable créature à qui j’ai laissée la vie sauve il y a quelques années va m’être utile…
Je baisse les yeux vers la licorne. Elle s’est installée au pied de mon trône. Sa tête est allongée sur son knucker, qui lui sert d’oreiller, et trois fées sont en-train de brosser sa queue et sa crinière et de lui nettoyer les sabots. Bien qu’elle ait toujours dit qu’elle fait ça dans le but d’être parfaite, je sais qu’elle ne souhaite que me ressembler, m’imiter.
Je lui ordonne :
-Appelle ton lézard, Ankary. -Ouiii ! A vos ordre, maître !
Elle se dresse et lâche un puissant sifflement…
J’observe l’imposteuse qui tente de sortir du cercle de sable, mais est retenue par la nuée de knuckers. Elle en écrase bien quelques-uns sous ses pattes et les renversent de sa queue, mais ma colonie est nombreuse et ils forment un mur de griffes et de muscles qui réussissent à la retenir avec ceux qui tirent sur les cordes qu’elle a toujours autour des pattes pour la maintenir en place. Si elle pouvait voler, elle aurait une chance, mais je lui ais fais garder les ailes attachées. Au bout de quelques minutes, un grand bruit de pas se fait entendre…
Se tenant sur ses pattes-arrière, celles de devant, plus petites, recroquevillées sur son torse, un autre imposteur, aux écailles noires et luisantes, le corps couvert de marque rouges, et avec deux courts moignons sur le dos à la place de ses ailes, pénètre dans la salle. Il traîne derrière lui sa queue qui se termine par une solide masse épineuse. Son museau est féroce, accentué par les cicatrices qui recouvrent toute sa partie droite, et il gronde à-travers la muselière qui lui permet de l’ouvrir à-peine assez pour qu’il puisse manger, envers toutes les créatures qui se trouvent un peu trop près de lui. Sauf envers Ankary, qui fait le tour de l’arène pour le rejoindre, devant qui il s’aplatit en couinant tel un chien effrayé et soumis.
Je n’aime pas voir cette créature dans mon palais. J’ai juste, un jour où j’étais particulièrement content, cédé au caprice de la licorne qui voulait le garder comme animal de compagnie, à la condition que jamais il ne fasse quoi que ce soit qui le sorte de son rôle de vulgaire lézard, que jamais il ne crache de feu, et que jamais il ne vol. Et pour cela, la licorne lui avait elle-même coupées les ailes, attachée cette chose autour de son museau pour retenir son souffle, et même tranchées ses cornes pour qu’il ne ressemble réellement plus qu’à un lézard géant. Ces changements font que j’arrive à supporter l’existence de cet imposteur, temps que je ne pense pas à lui. Il m’a cependant, certes, été utile, parfois, comme il va l’être maintenant, lors des exécutions de mes prisonniers.
Ankary lui caresse le museau du sabot et ordonne :
-Lorizol chéri, tue cette créature pour ta maman, s’il-te plaît.
Et, à un geste de son museau, il pénètre sur le cercle de sable…
Il semble d’abord surpris de se qu’il voit, n’ose pas faire le moindre geste. Il se contente de l’observer, les naseaux dilatés, sentant sûrement se que j’ai sentit quand je me suis aussi approché d’elle, alors que la femelle s’est mise en position défensive et lui tourne autour. Son regard s’attarde longuement sur ses cicatrices et les moignons de ses ailes...
Mais Ankary rejoint sa place et rappelle bien vite à l’ordre son animal de compagnie :
-Qu’est-ce que tu fais, Lorizol ? Attaque ! Maintenant !
Et la grande créature tourne sur elle-même pour envoyer sa masse en direction des côtes de la femelle.
Cette dernière est agile, je dois bien le reconnaître. Elle esquive d’un bond des plus magistrale et envois un puissant coup de griffe en direction du museau de son adversaire, qui pousse un couinement et recule, tendis que la licorne l’insulte et lui ordonne d’attaquer à-nouveau. Même sans ses ailes, elle reste rapide et… assez belle, je dois bien l’avouer, douée de mouvements gracieux qui me laissent subjugué, largement plus que cet autre imposteur, puissant, certes, mais pataud. Elle tente de sortir à-nouveau du cercle, mais se fait griffer le ventre par mes knuckers pour la forcer à reculer. Quelques goûtes de sang perlent et leur odeur vient me chatouiller le nez… pourquoi est-ce que je sens comme une chaleur au fond de mon estomac ? Pourquoi suis-je énervé alors que je devrais m’amuser ?
Lorizol s’est vite remit. Il pose ses pattes-avant sur le dos de l’imposteuse et la jette au sol, au-milieu de l’arène. Il s’approche ensuite, mais elle lui envoie une poignée de sable dans les yeux pour le faire reculer. Le combat pourrait durer longtemps, vu qu’aucun des deux n’a la mâchoire libre et ne peut mordre. Mais le mâle a toujours sa masse, une arme mortelle qui lui assure également un certain équilibre et une habileté de mouvement au sol, comparé aux imposteurs d’avantage faits pour le ciel. Il l’envoie à-nouveau et frappe l’aile attachée de la dragonne, cette fois, se qui lui déchire la membrane. Elle couine et recule à son tour, elle vient de perdre l’avantage. J’ai un mouvement, je me dresse, comme si je voulais soudainement me lever pour la protéger. Je…
… je ne veux pas qu’elle ait mal ! Pourquoi je ne veux pas qu’elle ait mal ? Ce n’est pas logique, son existence est une insulte, pour moi ! Je dois me calmer, reprendre mes esprits...
Ils se retrouvent à-nouveau face-à-face et Lorizol s’apprête à la griffer. C’est alors que je cris :
-Stop !
Et là, tout se fige. Ceux qui criaient de joie face à ce combat, les deux adversaires, ainsi que la licorne au pied de mon trône, tous se taisent et se tournent vers moi. Je reste un instant immobile, puis je déploie mes immense ailes et saute dans l’arène. Lorizol couine de terreur et s’enfuit à l’autre bout de la caverne, mais je me fiche bien de lui. J’attrape la dragonne, qui essaie de me repousser de ses griffes, mais ces dernières raclent mes écailles sans me faire plus de mal que des branches de pin sur de la pierre. Je l’allonge de force sur la charrette à laquelle je l’attache à-nouveau.
Et finalement, je me tourne vers les knuckers et ordonne :
-Enfermez la. Je déciderais de son sort plus tard. Et qu’aucun mal ne lui soit fait !
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