Les Royaumes de Feu

D'après l'œuvre de Tui T. Sutherland
 
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 (Roman) Les Chroniques du Monde.

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Xyria
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Xyria


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Description du dragon
Race: Ailes du Ciel.
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MessageSujet: (Roman) Les Chroniques du Monde.   (Roman) Les Chroniques du Monde. EmptyMar 21 Juin - 21:36

Chapitre I

Les ombres dansent autour de moi, dans un tourbillon sans fin qui me donne le tournis et m'empêche de me concentrer sur un point précis. Chaque ombre possède deux points rouges lumineux. Ils évoquent des yeux de braise qui scrutent mon âme et me plongent dans l'effroi. J'entends des hurlements de terreur et de désespoir, les hurlements des innocents fauchés par la mort. Je cherche à m'enfuir, je cours sur une surface dure que je ne peux pas voir, mais je suis encerclée. J'essaie de crier, mais ma gorge est trop serrée par la terreur pour n'émettre plus qu'un sifflement de dragonneau effrayé. Et soudainement, le sol se dérobe sous mes pattes. Dans un cris silencieux et incapable de déployer mes ailes, je tombe dans les ténèbres...

Ma gorge se débloque et que mon cri perce la nuit alors que je me réveille en sursaut, la respiration rapide, les griffes agitées et la queue battante, avec l'impression que mon cœur est sur le point d'exploser. Il me faut un instant pour me rendre compte que tout-cela n'avait été qu'un simple cauchemar. Mais un cauchemar qui m'a plongée dans un tel état de terreur qu'il me faut plusieurs minutes avant de retrouver mes esprits et une respiration normale. Ma pauvre Camunia... pour une dragonne considérée comme une grande chasseuse dans ton clan, la compagne d’un chef, voilà qui n'est pas très glorieux d'avoir peur d'ombres qui n'existent même pas.

Je prend le temps de me remettre les idées en place, les yeux fermés. Ma respiration ralentit doucement. Ce n'était qu'un rêve, tout-cela est derrière moi. Je sais ce que ce rêve signifie, je fais le même genre pratiquement toutes les nuits depuis des lunes : mon espèce vient tout-juste de sortir d'un cataclysme qui a manqué de réduire les dragons à néant. Une épidémie destructrice, dont n'a au final survécu que moins d'une centaine d'individus. Une poignée, comparé à ce que nous étions autrefois, la race la plus imposante et l'une des plus prospère de notre Monde. Ces ombres représentaient ceux que j’ai perdus et que je regrette. Heureusement, l'épidémie, après avoir manqué de nous éradiquer, a disparue seule avec le dernier malade de façon naturelle. Avant de revenir auprès des autres races, nous nous sommes assurés que plus aucun des nôtres n'était malade. Et les fées qui vivent dans les montagnes du Continent des Grands Monts, amies de notre espèce depuis bien longtemps, nous ont offert l'hospitalité, le temps que nous nous remettions et que nous retrouvions un semblant de cohésion.

Je lève le museau et profite d'une légère brise fraîche portant l'odeur sucrée du nectar qui parcourt les galeries de la Ruche. C'est agréable et ça m'aide à finir de me calmer. Mon regard est attiré par une petite ligne verte lumineuse qui se déplace lentement au plafond. Une nymphe, la forme larvaire des fées, s'est glissée jusqu'ici, je ne sais comment. La pauvre, elle a dû quitter son alcôve et se perdre, poussée par la curiosité naturelle et la soif d’aventure des plus jeunes.

Je baisse le museau et soulève mon aile. Au dessous repose mes quatre œufs, ovales et gris, parfaitement lisses, agités de temps en temps d'un léger soubresaut, signe qu'il ne reste plus que quelques heures avant le moment que j'attends depuis presque un an. Alors que j'admire ces quatre petites lueurs de vie, je souris : non, mon espèce n'est pas éteinte. Nous ne sommes plus très nombreux, on peut même dire en voie d'extinction, mais ce n'est qu'une question de temps avant que nos enfants ne se mettent à arpenter le monde et à dominer le ciel. Une chance qu'ils soient sur le point de naître maintenant, après le Cataclysme. Ce dernier avait touché en priorité les plus faibles, les anciens et les petits. Il n'y a eu aucune naissance viable depuis presque deux ans, nous allons être les premiers parents depuis la fin de cette triste période.

Tiens, maintenant que j'y pense : chaque fois que je fais un mauvais rêve et que je me réveille toute effrayée, une douce aile écarlate vient m'entourer les épaules pour me réconforter. Je tourne le museau dans tous les sens : où est mon compagnon ? Je souffre de la perte des nôtres, mais pour Rexius, c'est bien pire... il était autrefois le chef de notre clan, mais nous en sommes les deux derniers survivants. Il se considère comme responsable parce qu'il n'a pas pu les sauver, et même si il évite de me le montrer, je sais qu'il se perd souvent dans ses mauvais souvenirs. Si il se trouve quelque-part en-train de ruminer, il est de mon devoir de me trouver à ses côtés pour lui apporter mon soutien, pour lui rappeler, une fois de plus, que ce n'est pas de sa faute.

Je regarde un instant mes œufs. Ils sont si fragiles, et sur le point d'éclore. Je sais qu'ils ne risquent rien, ici : la Ruche n'est peuplée que de fées, et ces grands insectes n'ont généralement en tête que le soin à apporter à leur reine et ses œufs, la culture des fleurs dont elles se nourrissent du nectar, ainsi que la préparation de toutes sortes de fêtes dont j'ignore la signification, pour certaines. Quand aux autres dragons, ils sont logés à l'autre-bout du territoire, dans une caverne uniquement prévue pour eux. Nous, nous sommes leurs représentants auprès du peuple féerique, donc nous sommes logés près de la reine. Je peux les laisser un instant, malgré ma petite appréhension. Je serais revenue à-temps pour assister à la cassure.

J'arque le cou et crache un long jet de flammes qui couvre le nid de pierres précieuses sur lequel nous reposons. Le feu de dragon ne fait pas fondre les gemmes, mais ces dernières ont la capacité d'en garder la chaleur durant un long moment et de rester à la température idéale pour l'incubation des œufs. Le procédé me donne faim, ce qui signifie que ma poche à venin est presque vide. J'ai besoin de graisses, et donc de manger pour la remplir. Mais il est trop tard, et je ne peux pas entamer les réserves qui se trouvent dans un coin de la pièce, elles sont pour nos petits à-naître. Ça attendra demain-matin, je demanderais à Rexius de chasser pour moi tendis que je resterais avec eux...

Une fois à la chaleur idéale, j'enfonce légèrement mes œufs dans le nid, puis je me dresse sur les pattes-arrières pour attraper la nymphe. Je ne peux pas la laisser là. Alors que cette dernière s'agite avec un cri ressemblant à un couinement de souris, je lui dis :

-Cesse de gigoter ou je te mord.

Et, bien que je doute qu'elle m'ait comprise, elle se calme... peut-être a-t-elle eu peur de mes crocs ou du timbre menaçant de ma voix. Entre mes trois griffes, la créature est petite, longue et épaisse, un peu comme une chenille, mais plus grosse et couverte d'une carapace verte et luisante, d'où échappe une douce lumière et une chaleur qui irradie mes écailles. Sous cette forme, je la trouve plutôt pitoyable.

Je quitte ma caverne. A gauche, un escalier monte jusqu'à la chambre de la reine... je doute que Rexius y soit, donc je pars de l'autre côté. D'autres cavernes s'ouvrent le long du couloir, et je peux y voir les alvéoles dans lesquelles reposent soit de petits œufs blancs aux bouts en pointe comme des grains de riz, soit d'autres nymphes qui dorment paisiblement.

J'entre dans l'une d'entre-elles et trouve un emplacement vide.

-J'ignore si c'est de là que tu viens...

J'y glisse ma protégée.

-... mais ça conviendra pour cette nuit. Tes sœurs s'occuperont de toi demain matin.

Puis, alors que je reprend ma route, je me dis que vu que les nymphes ne me comprennent pas, je devrais arrêter de parler toute seule...

Rexius aime regarder les étoiles. Ça l'aide toujours à se détendre quand il est la proie de ses émotions. Peut-être est-il sur le flan de la montagne. Ou alors, il est simplement allé boire. Le point d'eau n'est pas très loin. Je traverse le couloir, assez large pour que deux dragons s'y croisent, et j'en profite pour observer les anciennes traces de griffes sur les parois. La Ruche est en réalité une ancienne mine de dragons, que nos ancêtres ont creusée afin d'en extraire les pierres précieuses qui forment nos nids. Lorsque nous n'en avons plus eu besoin, les lieux ont été abandonnés, et les fées des Grands Monts ont été autorisées à s'y installer, ce qui leur a permit de devenir la plus grande colonie de tout le continent. C'est à partir de là que nos deux espèces ont commencé à faire des ententes.

Au bout du couloir, je débouche dans une grande caverne. Elle s'ouvre sur le vide, par où les fées, les dragons et les autres résidents ailés de ce territoire peuvent s'envoler ou se poser. Par cette ouverture, j'entends des cris. Le peuple féerique trouve toujours une raison de faire la fête, que ce soit pour une naissance particulière, du genre une nymphe royale qui deviendra un jour une reine, ou pour remercier la nature d'une bonne récolte. Je me demande bien ce qui peut les rendre heureuses, cette fois. Mais je ne suis pas d'humeur à me joindre à elles.

Au centre de la pièce coule une petite rivière artificielle, dont l'eau vient du sommet des montagnes, de la fonte des glaces. Rexius est bien là, sa grande masse rouge affalée sur le sol, le museau dans l’eau. Il semble dormir… je montre les dents : si il a encore abusé des baies que l’on trouve dans la forêt alentour, il va m’entendre ! D’autant plus qu’il risque de se noyer, l’imbécile !

Je cours vers lui et l’attrape par la corne pour le forcer à me regarder dans les yeux. J’ai l’intention de le laisser essayer de baragouiner une excuse, puis de lui coller la tête sous l’eau pour le réveiller un bon coup. Mais il n’ouvre pas les yeux. Une salive mousseuse couvre son museau, du sang s’échappe de ses naseaux et de ses oreilles. Je sens que ses écailles sont chaudes comme si son feu était à l’extérieur plutôt qu’à l’intérieur de lui. Et tout les muscles de son corps sont raides, durs tel le bois, comme pris de courbatures.

Je pousse un cri et le lâche. Sa tête part se cogner sur le sol : les symptômes de Cataclysme ! Mais comment… ? Ça fait des mois que plus aucun dragon n’est tombé malade, et il faut un contact prolongé, ou avec le sang ou les muqueuses de la victime, pour la contracter, normalement. Alors comment a-t-il pu l’attraper ? Peut-être le virus a-t-il changé pour devenir aérien, cette fois. Je n’ose plus respirer pendant quelques secondes.

Je baisse tristement le museau en poussant une longue plainte : Rexius va mourir, je le sais. Cataclysme a pratiquement réduit mon espèce à néant sans que personne ne trouve de remède, et un dragon malade ne tient jamais plus d’une heure. Il ne survivra pas. Alors que je regarde mon reflet dans l’eau de la rivière, qui me renvoie mon regard ambré qui laisse couler mes larmes sur mes écailles vert-pomme, je me rend compte qu’une sorte de reflet pale l’entoure. Une sorte de reflet pale ? Mais qu’est-ce que c’est que ça ? Cette eau descend directement du sommet des montagnes, normalement elle devrait être pure et transparente. Je me rapproche un peu et m’aperçois qu’une poudre blanche flotte dans la rivière. Mais alors, Rexius n’a peut-être pas attrapée la maladie naturellement… il a été empoisonné !

Je me dresse avec un grondement de colère et hurle :

-A moi ! A l’assassin !

Avant de faire demi-tour pour parcourir le chemin en sens-inverse. Si un assassin qui s’en prend aux dragons, ou tout du moins a pris ma famille pour cible, se trouve dans la Ruche, alors mes œufs sont aussi en danger ! J’ignore les couinements effrayés des nymphes que j’ai réveillées et je retourne dans ma caverne. Et là, je vois toutes mes plus grandes terreurs se réaliser…

Mes œufs ont été poussés hors de leur nid, et quatre tatzelwurms les entourent. Ces grands serpents au long corps sinueux se tiennent sur deux uniques pattes robustes à-l’avant de leur corps, qui leur permettent d’atteindre la hauteur de mes genoux lorsqu’ils se dressent et d’où sortent leurs griffes acérées et rétractables. A la droite se trouve attachée ce qui ressemble à une pointe en ivoire. Leurs écailles rugueuses et tranchantes, sur lesquelles se trouvent de longues épines dures et acérées, rassemblées sur différentes zones tel des touffes de fourrures et en crête le long de leur dos, possèdent des couleurs variant sur le brun ou le gris, qui ressortent mal à la lueur des torches aux murs. De leurs museaux court dépassent deux longs crocs tranchants sortant de la partie supérieur de la mâchoire et dégoulinant d’une salive que je sais empoisonnée, à-même de percer la coquille de mes dragonneaux.

L’un d’entre-eux abat la pointe en ivoire sur l’un de mes œufs, qui se brise et dévoile un petit être frêle et humide, qui se tortille et ouvre la gueule dans un cri silencieux. Sur le point de naître, il est déjà complètement formé, mais semble avoir du-mal à respirer et garde les yeux fermés. Ses écailles sont aussi vertes que les miennes, un peu plus foncées. Un autre coup lui brise le crâne, au côté de deux autres bébés dragons qui ont déjà subit le même sort. Le quatrième tatzelwurm s’apprête à détruire le dernier œuf…

Je rugis :

-Ne touchez pas à mes bébés !

Et dans un geste parfaitement synchronisé, ils se retournent vers moi et me menacent de leurs pointes, leurs queue s’agitant dans l’air et les piques les ornant claquant entre elles, créant un son agaçant, mais clairement menaçant. Je me rend compte que ces pointes sont des griffes de dragonneaux et bloque un instant. Si elles ont été prélevées sur des cadavres contaminés par Cataclysme, une seule blessure peut m’être fatale…

Alors, plutôt que d’attaquer aux griffes, j’ouvre grand la gueule et les noie dans mon feu. Ils n’ont le temps que de pousser un cri de douleur avant que leurs formes ne disparaissent, alors que l’odeur de la cendre et du sang chaud se met à flotter dans l’air. Il ne reste d’eux que des traces noires sur les gemmes, ainsi que quelques piques robustes rappelant celles des porcs-épics, qui ont survécu à la calcination. Je saute en-avant, saisi mon dernier œuf, puis je cours en sens inverse pour retourner dans le couloir…

-Ne bouge pas, dragon !

Devant moi se dresse un autre bataillon de tatzelwurms. Ceux-ci ne sont pas armés de griffes de bébés dragons, mais ils me menacent de leurs propres longues griffes à-même de trancher mes écailles et de leurs crocs dégoulinants de salive. Je les tiens en respect un moment en donnant de grands battements de queue qui ébranlent le sol.

Je ne peux pas me battre ici, pas avec mon œuf, ce serait trop dangereux ! Alors je décide de prendre la fuite : je fonce droit sur eux et passe en force, la cou dressé afin d’éviter de me faire trancher la gorge. Je les bouscule et sent la chaire et les os se broyer sous mes pattes. Entre les cris de douleurs, le claquement des épines et les sifflements, je peux sentir leurs griffes se planter dans mon ventre. L’un d’entre-eux se hisse sur mes piques et essaie de se percher sur mon dos. Je le prend entre mes mâchoires, le sert un grand coup, puis je le recrache plus loin. Je saigne, mais ce ne sont que des égratignures.

Ils me poursuivent tendis que je retourne dans la salle où coule la rivière. Je me perche à l’entrée, prête à me jeter dans le vide… mais je reste un moment les yeux exorbités devant le spectacle qui se joue sous moi : ce que j’ai pris pour une fête, un peu plus tôt, est en réalité une bataille. Autour de la Ruche, les fées se sont créées de petits nids dans des souches d’arbre creusées. Mais la plupart sont maintenant en feu. Les tatzelwurms affrontent les fées et prennent petit-à-petit possession de leurs terres. Quelques péritios se battent à leurs côté, survolant et essayant de frapper à coups de leurs sabots, de leurs serres ou de leurs bois pointus, mais les petits êtres écailleux sont plus nombreux et naturellement mieux armés pour se battre.

Les bruits de pattes et de glissement de mes ennemis retentissent derrière-moi. Je me retourne, mon œuf serré contre mon flan, et je me tiens prête à les repousser. C’est alors que j’entends une voix sortir du couloir d’en-face :

-Camunia ! Écarte toi !

Je ne prend pas le temps de réfléchir et je saute pour m’accrocher au plafond avec mes griffes. Un groupe de fées sort du couloir. Agiles sur les quatre fines pattes qui leur servent à se déplacer, elles bougent rapidement et attaquent leurs ennemis avec leurs longs doigts crochus au bout de leur troisième paire de pattes. Ils n’ont de semblable aux nymphes que la carapace verte qui recouvre leur corps et leurs grands yeux oranges. Leurs ailes transparentes comme des plaques de glace battent en continue et laissent échapper une poudre lumineuse. Une paire d’antennes duveteuses s’agitent sur leur front.

En apparence, elles sont minces et semblent fragiles, mais les fées sont les maîtresses de la magie, grâce à la poudre de leurs ailes qui les connecte directement à cette énergie. Elles en saisissent chacune une pincée et les lancent sur leurs ennemis. Là où elle frappe, la poudre s’enflamme dans une explosion. Les tatzelwurms se mettent à courir avec un hurlement de douleur. Les fées viennent achever les survivants à coups de griffes. Elles réussissent rapidement à prendre le dessus grâce à l’effet de surprise.

Quand je vois le dernier serpent prendre la fuite par le couloir d’où nous sommes sortis, je lâche le plafond et me laisse tomber.

-Camunia, dit la fée qui mène le groupe, tu vas bien ?

Je ne daigne pas lui répondre, je me contente de me tourner vers le corps de mon compagnon, qui ne respire plus, maintenant. Elle suit mon regard, garde un instant le silence…

Puis me dit :

-Je vois. Désolée.
-Que se passe-t-il, enfin !? Qui sont ces tatzelwurms ? Pourquoi s’attaquent-ils à la Ruche ?
-Je n’en ais aucune idée. Ils nous sont tombés dessus en plein milieu de la nuit, nous avons juste eu le temps d’organiser une défense. Ils semblent viser en priorité les dragons.
-Je sais…

Je serre d’avantage mon œuf, puis lui dit :

-Je dois mettre mon dernier petit à l’abri.
-J’ai vu un dragon qui volait près des écuries. Va là-bas, pendant ce temps, nous allons protéger notre mère.
-Merci. Je reviendrais vous aider dès que possible avec mes semblables.

Et tendis que les fées reprennent leur route dans un bourdonnement d’ailes, moi, je me lance dans le vide.

Je survole rapidement le village en tâchant d’ignorer le carnage et quelques appels à l’aide, avant d’arriver vers une longue chaîne de montagnes où sont sensés reposer mes congénères. Mais hélas, je vois que l’endroit est également en feu. Les flammes et la fumée, mortelles, même pour nous, sortent par toutes les entrées de la grande caverne commune. Plusieurs cadavres jonchent le sol, et quelques tatzelwurms, à la manière de charognards, arrachent leurs écailles. Je pousse un rugissement de colère. Ils se dressent et me menacent à coups de claquements de queue. Je me promet de revenir venger mes semblables, puis je fais demi-tour pour me diriger vers les écuries, la zone réservée aux péritios…

Ces dernières sont des tanières faites en rondins de bois et remplies de paille, où les cerfs, les biches et leurs faons peuvent se reposer à l’abri du mauvais temps. Ils offrent leurs services aux fées en les transportant et en les aidant lors de leurs cultures, grâce à leur puissant corps de cervidé unis à leurs ailes dignes des plus grands rapaces, et en échange, elles leur créaient ces abris pour eux.

Il n’y a pas trace des péritios. Sans-doute sont-ils partis, soit pour se mettre à-l’abri, soit pour se battre. Je me pose entre les écuries et remarque effectivement la présence de l’un de mes semblables, allongé sur un toit. Difficile à voir, dans la nuit, si il s’agit d’un dragon ou d’une dragonne… tout ce que je sais, c’est qu’il regarde le village en feu comme il observerait un spectacle. L’obscurité ne me permet pas non-plus de voir ses traits, mais il me semble grand, blanc ou gris, et qu’il ne m’a pas encore remarquée…

Je résiste à l’envie qui me prend de lui flanquer un bon coup de queue derrière la nuque et m’approche de lui en rugissant :

-Lâche ! Comment oses-tu rester ici pendant que nos semblables se font massacrer ?! Aide-moi à trouver un abri pour mon œuf, puis nous…

Je n’ai pas le temps de finir : soudainement, il se retourne et un long membre se tend pour me donner un puissant coup de griffe sur le flan. Je recule et pousse un cri de douleur, tendis que mon sang gicle sur le sol et que la voix d’un mâle me répond :

-Je n’ai pas d’ordre à recevoir de toi !

Il se dresse et descend du toit. Je reste un instant surprise. Les dragonnes, comme moi, se déplacent à quatre pattes, alors que les dragons, eux, se tiennent sur leurs pattes-arrière, celles de devant, plus petites, contre leur poitrine, et la plupart possèdent une masse au bout de la queue. Mais lui, il me semble être un mélange des deux genres : il se déplace à quatre pattes, et son corps s’allonge sur un long tronc robuste d’où sortent deux autres membres. Ce dragon a six pattes, exactement de la même manière que les fées, et ses deux membres supérieurs sont plus longs et menaçants que ceux d’un dragon normal. Je ne peux pas voir son expression, mais je remarque que son museau est court et j’entends son grognement. Ses yeux bicolores, un vert et un rouge, brillent dans la nuit.

Ma patte tâte un instant dans le vide : sous le choc, j’ai lâché mon œuf. Alors que je tourne le museau vers le sol à sa recherche, il me pointe de la griffe et ordonne :

-Tuez la.

Il me faut un instant pour comprendre que ce n’est pas à moi qu’il parle, alors que de nouveaux tatzelwurms sortent des écuries, armés, eux, du même type d’armement que les premiers que j’ai rencontrés. Ils me menacent de ces pointes mortelles, mais semblent hésiter à s’approcher… ils doivent encore craindre ce dont je suis capable.

Je repère finalement mon œuf, qui a roulé un peu plus loin, et je me jette dans sa direction. Mais l’étrange dragon se met sur mon chemin et me repousse violemment. Les tatzelwurms en profitent pour m’attaquer. Je saute et prend mon envol pour échapper à leurs armes. Ils sont rapides au sol, mais par chance, ils ne peuvent pas voler.

Le dragon a ramassé mon œuf et semble ricaner tendis qu’il commence à le serrer pour l’écraser. Je cris :

-NON !

Et fonce vers lui pour lui donner un violent coup de cornes dans le torse. Il pousse un cri étouffé et tombe à la renverse. Je rattrape mon œuf au vol et m’enfuie à tir-d’ailes.

Mon flan, déchiré par la griffure, me fait mal, et je sens que mon sang coule abondement. Je dois me trouver un abri et penser ma blessure. Mais des bruits d’ailes retentissent dans mon dos. Je me retourne et vois cet étrange dragon qui me pourchasse. Il ne semble pas avoir été blessé par mon coup. Ses ailes font tout le long de son corps disproportionné, partant de ses épaules jusqu’à la base de sa queue. Elles sont bien plus grandes que les miennes, certainement plus lourdes, mais lui permettent une meilleure allonge et une plus grande endurance… je suis vive, mais je ne pourrais pas lui échapper bien longtemps.

Je survole la forêt de pins qui entoure la Ruche et plonge entre les arbres. Il est bien plus grand que moi, il aura sûrement plus de mal à se déplacer au sol. J’ignore les branches qui se coincent entre mes écailles et les aiguilles qui pénètrent mes plaies, ainsi que les wolpertingers et autres petits oiseaux et animaux qui, effrayés par mon intrusion, quittent leurs nids et foncent par les airs ou la terre en piaillant de terreur, avant d’atteindre le sol et de filer droit vers le nord.

Je n’ai pas le temps de faire plus de quelques pas que sa voix retentit :

-Tu ne m’échapperas pas !

Et il tombe devant moi. Les arbres sont réduits à l’état de simples brindilles sous ses pattes. Je rêve, ou sa taille s’est ajustée d’elle-même pour qu’il puisse se déplacer entre les arbres ? Il me fait face, menaçant. Je n’ai plus d’autre choix que de me battre. Alors je lui fonce dessus… mais il me saisit par une corne et me balance contre un arbre comme il le ferait d’un sanglier trop téméraire. La douleur me vrille le crâne. Mon œuf a encore disparu…

Ses pattes entourent ma gorge. Il me force à le regarder dans les yeux. Ses pupilles reptiliennes bicolores lancent des éclairs, et il me dit :

-Renonce. Si tu te rends maintenant, je te promet une mord rapide.
-Mord-toi la queue, briseur d’œufs !
-Ah, tu le prends comme ça ? Tant-pis pour toi.

Il plonge ses griffes dans la blessure qu’il m’a infligée. Je rugis de douleur tendis qu’il les remue… mais il s’interrompt lorsque retentit comme un bruit de tonnerre, traduit par des vibrations à travers la terre.

Un groupe de péritios, chevauchés par des fées, sortent d’entre les arbres, foncent sur le dragon et tentent de le repousser à l’aide de coups de sabots, de bois, de griffes et de poudre explosive. Il pousse un grondement agacé et me lâche. Je suis à-terre, la douleur est telle que j’ai du mal à me relever. Le museau dans les aiguilles, je tâte pour remettre la serre sur mon œuf… et une biche, au plumage comme à la robe brune, me passe devant, les plumes en feu.

Mes alliés se font massacrer. Aucune de leurs attaques n’ébranle le dragon, qui se contente de les brûler, de les écraser ou de les dévorer. Il passe un moment à pourchasser les derniers survivants comme si il s’en amusait, puis revient vers moi. Je me dresse, le museau face au sien, et ouvre la gueule dans l’idée de le lui brûler… mais une simple flammèche m’échappe lorsque seulement quelques goûtes de venin frôlent mon silex. Je n’ai plus de feu. Il lâche un rire moqueur, puis me pousse au sol et se met au-dessus de moi pour me bloquer.

Je détourne le museau pour ne pas le voir, et remarque alors la présence d’une dernière fée sur le champ de bataille. Elle tient mon œuf entre ses pattes.

Je lui cris :

-Fuit !

Avant que le dragon ne me saisisse à la gorge.

Fuir, oui, mais où ? Peu importe par où elle essayera de partir, elle n’échappera pas à ce dragon. Les fées sont agiles avec leurs ailes, mais se fatiguent trop rapidement. C’est alors qu’un péritio jaillit à ses côtés, lui cri quelque-chose que je ne peux entendre, et la fée lui saisit un bois pour monter sur son dos.

Tout devient noir autour de moi tendis qu’ils disparaissent dans la nuit. Je n’ai plus mal, mais j’ai horriblement froid. Ma vision s’éteint, mon cœur ralentit. J’espère simplement que ces deux créatures vont réussir à s’enfuir avec mon dernier descendant...
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Xyria
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MessageSujet: Re: (Roman) Les Chroniques du Monde.   (Roman) Les Chroniques du Monde. EmptyVen 8 Juil - 22:56

Chapitre II

Mon corps entier me fait atrocement souffrir. Mes pattes, crispées depuis presque quatre heures autour des flancs de ma monture et de l’œuf que je tente de garder bien plaquer contre moi. Mon thorax, contre lequel je le serre pour l’empêcher de glisser et de plonger dans l’océan qui s’étend en-dessous de nous. Mon abdomen, que je ne sens plus, à-force qu’il se fasse agiter par les mouvements des ailes du péritio. Et malgré cette douleur, ainsi que le sommeil qui m’envahit l’esprit, je sais que je ne dois pas m’endormir et je fais de mon mieux pour ne pas me laisser aller. Mon protéger est la raison qui me pousse à tenir. Lui, et autre chose…

Je viens de quitter mes sœurs qui se battent contre une armée de tatzelwurms et un étrange dragon à six pattes. Je suis horriblement inquiète pour les autres fées, pour Mère. J’ai suivi la bataille jusque dans la forêt, je ne sais pas où en était la situation près de la Ruche quand nous nous sommes envolés, si elle allait bien. Je ne peux qu’espérer que oui : la chambre royale est la partie la mieux protégée de toute les ruches de fées, je vois mal un groupe de reptiles violents et stupides réussir à s’y infiltrer. Mais d’un autre côté, je préfère penser cela que m’imaginer le pire pour mes semblables.

L’œuf s’agite entre mes griffes. Il le fait régulièrement depuis notre départ. Ma vision féerique fait que je vois le monde à-travers l’énergie lumineuse qui parcourt chaque chose et chaque être vivant, si bien que malgré la nuit, je peux le distinguer. Le petit être qui repose à l’intérieur doit avoir froid. Ma carapace ne possède clairement pas la chaleur du ventre d’une mère dragonne. Mais en plus de cela, je crains qu’il soit en-train de nous préparer une petite éclosion surprise…

Je cris au cerf :

-Nous devons nous poser !
-Ah oui ? Et où-ça ?

Je regarde autour de moi. Durant un moment, après notre départ, nous avions survolé plusieurs petites îles se trouvant autour du Continent des Grands Monts. J’avais voulu qu’on y fasse un arrêt, mais il avait refusé, avec pour prétexte qu’il ne voulait pas se retrouver à-nouveau face à ce dragon, qu’il voulait s’en éloigner le plus possible… ce que je comprend, au fond. Mais désormais, il n’y a plus que l’étendue aquatique à perte de vue autour de nous, fourmillant de l’étincelle de la vie marine, mais d’aucun abri.

-Je ne sais pas, mais l’œuf est sur le point d’éclore, et je doute que ce soit une bonne chose qu’il éclot sur ton dos !
-Si je me souviens bien de l’enseignement de mon maître de vol, nous ne sommes plus très loin du Continent de la Forêt Dense.
-Tu l’as déjà vu, la Forêt Dense ?

Moi, je ne la connais qu’à travers les histoires qu’on m’a racontées. Les fées ne sont pas de grandes voyageuses, et de ce fait, nous comptons généralement sur les péritios et les dragons, plus aventureux, ou les wolpertingers après leur migration, pour nous enseigner ce qu’ils savent sur le Monde. La Forêt Dense est une jungle épaisse, peuplée de tribus de fées étranges et de tatzelwurms bien différents de ceux de mon continent, pas très ouverts aux étrangers, à ce que je sais. Les légendes disent également que ce serait de là que part le noyau de Mandragore, la plante carnivore qui parcourt le Monde via les galeries souterraines à la recherche de proies, se nourrissant de la chaire des êtres-vivant. Bien que je sache que ce n’est qu’une légende, j’ai un frisson en m’imaginant me retrouver face à l’une de ses tiges se mouvant tel un serpent.

-Non, me répond-il, mais je sais comment y survivre. Nous devrions être en sécurité temps que nous restons en bordure de la forêt. De toute-façon, nous n’avons pas le choix.
-A moins qu’on ne croise une autre île sur la route.
-Je refuse de me réfugier sur un petit îlot de sable où je n’aurais aucune chance d’échapper à ce dragon géant si il nous retrouve !

Et l’affaire fut entendue. Je n’essaye pas de discuter à-nouveau avec ce cerf. Je préfère le laisser se concentrer sur le vol. De toute-façon, à chaque fois qu’il parle, c’est pour se plaindre. Nous passons encore presque une heure ainsi, le silence uniquement brisé de temps en temps par le cri d’un oiseau en vol près de nous ou les craquements de l’œuf. Mais au bout d’un moment, je me rend compte que la mer semble s’être rapprochée…

Je sais que pour garder leur équilibre, les péritios ont besoin de bouger leurs membres tout en battant des ailes comme si ils courraient. Hors, je me rend bien compte, maintenant, qu’il bouge de manière beaucoup plus lente et que sa respiration est devenue roque.

Je lui cris à-nouveau :

-On doit se poser ! Tu es épuisé !
-Tu me prends pour une fée, ou quoi ?

Je pousse un sifflement colérique : je sais que les péritios n’ont pas une très haute estime de nos capacités de vol. De ce fait, ils se servent d’elles comme insultes entre-eux, et font souvent ce genre de comparaison.

-Ça va aller, continue-t-il en ignorant mon agacement. Regarde devant-toi.

Je lève alors les yeux. Au bout de la masse océanique, je vois une étendue de lumières formant ce qui doit être une vaste terre verdoyante. Nous sommes tout près du Continent de la Forêt Dense. Mais il nous faut quand-même encore une bonne demi-heure pour y arriver. Je me sens rassuré quand ma monture commence à entamer sa descente en direction d’une falaise rocheuse sur le bord de la forêt. Ses sabots dérapent sur le sol de pierre et il manque de tomber. Après s’être stabilisé, il plie les jambes et s’allonge dans un bruit mat, les ailes étendues de chaque côté de son corps. Je descend de son dos, et me laisse à mon tour emporter par mes crampes. Je tombe et lâche l’œuf, qui se met à rouler vers une large crevasse dans la roche.

-Attention ! Me dit-il.

Je me jette en-avant et réussit à le rattraper avant qu’il ne tombe. Tendis que je me redresse, il me reproche :

-Tu as failli le perdre !
-Hey ! Tu as une idée d’à quel point mon corps peut être crispé après toutes ces heures passées sur ton dos ?
-Quoi ?! Tu oses te plaindre ?! C’est moi, qui les ai faites, ces presque six heures de vol !

Je m’apprête à répondre que ces presque six heures assise sur lui n’avaient rien de très confortable, mais une nouvelle secousse de l’œuf me rappelle à l’ordre : ce n’est pas le moment de nous disputer.

Je m’approche de lui et demande :

-Lève l’aile.

Ce qu’il fait après avoir ronchonné un peu. J’y glisse l’œuf, la douceur et la chaleur de ses plumes sauront le contenter le temps que je fasse un feu. Alors que je m’éloigne vers les arbres, il me dit :

-Fait attention.

Mais je reste à sa vue et je me contente de ramasser quelques branches cassées, au sol, puis de revenir vers lui. Je les pose en tas à-côté du cerf. Les étincelles des branches sont lentes et presque éteintes, signe que leur vie est pratiquement finie. Je prend un peu de poudre de mes ailes et la fait tomber dessus, ce qui la fait accélérer, jusqu’à se que le corps physique du bois chauffe, puis prenne feu. Et une fois que les flammes sont assez épaisses, je repars vers les arbres.

Alors que je cueille quelques feuilles grosses comme ma tête, je remarque la présence d’un être organique qui m’observe entre les branches. Un être organique long, avec deux pattes à-l’avant du corps, qui se déplace en rampant… un tatzelwurm de la Forêt Dense. J’en ai soupé, des tatzelwurms, pour le moment ! Je me dépêche de retourner auprès du feu en espérant qu’il n’ira pas chercher ses congénères pour nous chasser…

Je me sers des feuilles pour faire un nid aussi près du feu que possible. Puis je me glisse sous l’aile pour reprendre l’œuf et l’y déposer. Les secousses deviennent plus calmes. Le dragonneau doit être content.

Je m’assoie et soupir. J’aurais préféré m’éloigner un peu de la crevasse, mais je doute que le cerf ait le courage et la force de se déplacer.

A la place, je lui demande :

-Qu’est-ce qu’on va faire ?
-Nous reposer, pour le moment. Puis on avisera.
-Mais l’œuf va éclore, et je ne sais pas comment on s’occupe d’un bébé dragon, moi ! Je doute qu’il suffise de lui donner du nectar, comme pour les nymphes.

Je plonge mon visage dans mes pattes :

-En plus, nous devons retourner aux Grands Monts ! Je veux m’assurer qu’ils ont gagnée la bataille !
-On ne peut rien faire pour le moment. Le mieux, c’est d’attendre que le petit éclose, et de dormir. Bon-sang, ce que j’ai faim ! Je pourrais avaler un ours en entier !
-Je vais voir si je peux trouver des fruits.
-Mauvaise idée. Tu ne connais rien des plantes de ce continent, tu pourrais en prendre des empoisonnées. Viens plutôt m’aider à remettre mes ailes en place. J’arrive à-peine à les soulever.

Je me dresse et lui prend un bord. Tendis que je manœuvre, je lui demande :

-Au fait, c’est quoi, ton nom ?
-Eh Oh ! Coucou !

Je sursaute et regarde autour de moi. Une voix crissante viens de nous saluer. Le mouvement de l’air me fait comprendre que ça viens d’en-haut et je lève les yeux.

Deux péritios descendent vers nous et se posent. Le premier est un cerf au corps puissant et aux bois de taille impressionnante comprenant cinq pointes chacun, qui se tient droit, de manière presque royale, et nous observe. Il ne semble pas particulièrement agressif, ou autre… en réalité, il ne laisse paraître aucune émotion. Et la seconde est une petite biche semblant jeune, presque une faonne, bien qu’un bois à pointe unique perce déjà son front, à l’air enjouée qui se met à sautiller sur place en nous observant avec un grand sourire.

Le cerf à mes côtés demande :

-Qui êtes-vous ?
-Oh, fait la biche de la même voix enfantine et légèrement agaçante de celle qui nous a saluée. Nous ne nous sommes pas présentés ? Pardon, je suis très mal polie. Je m’appelle Ankary.

Elle se tourne vers le grand cerf, mais ce dernier garde le silence. Si les étincelles qui le forment n’avaient pas l’agitation de la vie, j’aurais pu croire qu’il s’agissait d’une statue. Quoi que ses étincelles sont… ternes, au ralenti, comme si il était dans le coma.

La jeune femelle soupir en levant les yeux au ciel et continue :

-Et le constipé, là, c’est mon grand-frère, Alkrataur.

Avant de baisser les yeux vers le nid :

-Oooh, mais c’est vous qui l’avez ! Notre maître cherche cet œuf partout ! C’est gentil de nous l’avoir gardé. Nous allons le prendre, et…
-Ils travaillent pour le dragon ! S’exclame mon allié.

Malgré la fatigue, il se dresse et se place à mes côté, cachant l’œuf derrière lui. Je me mets à menacer les nouveaux arrivants de mes griffes.

Mais ils n’ont pas l’air particulièrement impressionnés. La biche penche son court museau sur le côté en souriant, comme si elle trouvait la situation très amusante. Quand à son frère, il nous dit d’une voix étrangement plate et ennuyée :

-Je vous donne une chance : laissez-nous cet œuf et partez.
-Tu peux toujours voler ! Gronde mon allié.
-Tant-pis pour vous.

Il se met en mouvement, et il est tellement rapide qu’il se retrouve près de nous avant même que je ne comprenne ce qu’il vient de se passer. Il saisit alors la gorge du pégase qui m’accompagne et le mord férocement. Il se met à crier de douleur et tente de se dresser pour le frapper de son sabot… mais il trébuche sur ses ailes et se retrouve au sol. Je veux frapper de mes griffes pour l’aider, mais je sens une soudaine douleur vive à mon abdomen et je tombe à mon tour. La biche se tient au-dessus de moi et me sourit : elle vient de me poignarder avec son bois.

Elle me bloque au sol en posant un sabot sur mon thorax. Approchant sa tête de moi, elle me demande :

-Oh, est-ce que j’aurais aussi oublié de signaler ce petit détail ? Désolée, je suis tellement tête-en-l’air.

Et elle ouvre la bouche, ce qui me permet de distinguer les formes de deux petites dents pointues. Quand elle me mord à son tour, je pousse un hurlement qui réveil les oiseaux de la jungle et les font s’envoler…

***

Pouah ! Le goût du sang des fée est vraiment ignoble ! Il est tout vert, trop épais et affreusement amère. J’aspire au cou de ma victime sans trop de plaisir jusqu’à se qu’elle perde la vie, puis recrache son corps plus loin. Ce liquide me laisse un goût détestable dans la bouche que j’ai du mal à retirer. Je me tourne vers mon frère, debout au-dessus du corps de l’autre cerf. Alors que je suis couverte du liquide vital de ma victime après m’être amusée à la secouer comme une poupée dans tous les sens, lui, il a juste un petit filet écarlate qui lui coule sur le bord de la lèvre, qu’il efface bien vite du bout de ses plumes.

Je lui dit :

-C’est pas juste ! Pourquoi c’est toi qui a eu droit au cerf ?
-Tu n’étais pas obligée de la tuer comme ça.
-J’avais faim…

Mais la prochaine fois qu’il me faudra tuer une fée, je me contenterais de la piétiner. Ce sera plus drôle et moins répugnant.

-Le sang de fée n’est pas nourrissant, pour nous, me rappelle-t-il.
-Peut-être, mais j’avais espéré qu’il aurait bon goût.

Je m’approche de l’œuf et le pousse loin du feu d’un léger coup de sabot. Son résident s’agite et je crois entendre un couinement. Oh oh, on dirait que je l’ai fâché. Pauvre petite créature grotesque ! Je baisse le museau vers lui et fait remarquer :

-Oh, regarde, Alkrataur : il est tout couvert de fissures. On dirait bien qu’il est sur le point d’éclore.

Je me tourne vers lui, prenant l’air de celle qui s’en remet au jugement du plus vieux, et lui demande :

-Alors, on fait quoi ?
-Tu connais les ordres.

Oh, mais quel rabat-joie ! C’est désespérant ! Oui, bien-sûr, que je les connais : aucun dragon ne doit survivre… même si j’ai un petit espoir pour celui que j’ai caché, au Continent des Grands Monts. Mais il pourrait s’amuser un peu, lui-aussi, ça changerait.

Je renifle le liquide coulant via les petites crevasses qui brisent la coquille et remarque :

-Je n’ai jamais goûté le sang d’un petit dragon. Tu crois que je peux ?
-Fait toi plaisir.

J’ouvre le museau, laissant apparaître mes canines, et me prépare à mordre. Il sera si facile de casser cette coquille, de mordre dans son petit résident et d’aspirer sa vie en l’écoutant couiner de douleur. Ce sera sûrement bien meilleur que l’autre insecte et ça me calera jusqu’à notre retour au royaume où je me ferais un autre péritio…

Mais finalement, non. Je me redresse en m’exclamant :

-Oh… je ne peux pas ! Notre magnifique seigneur a autrefois vécu dans un œuf comme celui-là ! J’aurais trop l’impression que c’est lui, que je blesse.

Alkrataur ne me répond pas. Il se contente d’attendre, se fichant visiblement complètement de comment les choses vont se finir. Il est toujours comme ça.

Je repère une fissure dans la roche, un peu plus loin, assez grande pour l’engloutir. Je lui donne un coup et fait rouler l’œuf vers cette dernière, où il tombe et disparaît dans l’obscurité. Je me tourne ensuite vers mon frère et hausse les épaules en disant :

-Oups !
-Bien. Rentrons, maintenant.

Oh, oui ! Rentrons ! Le maître nous sera tellement reconnaissant ! Je suis certaine qu’il me laissera lui caresser la queue toute la soirée ! Peut-être même que ce sera le bon moment pour lui parler de mon animal de compagnie. Oh, c’est excitant !

Mon frère prend son envol en premier, et je le suis rapidement. J’ai une dernière petite pensée pour le corps du dragonneau écrasé sur la roche d’une caverne. Je l’imagine un instant encore en vie, le corps brisé, agonisant lentement et dévoré par les insectes...
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(Roman) Les Chroniques du Monde.
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