Kiwi, garde royal des ailes de pluies aux idées noires

Je suis Kiwi. On me nomma ainsi pour mes beaux yeux verts comme la chair de ce tendre fruit. C'est d’ailleurs de cette couleur que je me sens le mieux parce que, très habile dans le contrôle de mes écailles changeantes, je n’ai aucune difficulté à garder stable cette couleur vis-à-vis de mes émotions. Parce que oui, c'est une de mes principales qualités. Le camouflage. Une autre de mes capacités est la sarbacane. Rapide, furtif, j’ai été élu meilleur tireur de la jungle trois années de suite ! Pourtant, au vu de ma carrure fragile et de ma musculature… Inexistante, on pourrait me croire faible. Certains se demandent même pourquoi le petit Kiwi est devenu garde du château de Sa Majesté, avec sa voix timide et sa petite taille.

“Il est gentil ce dragon” comme ils disent, “Il est mignon mais trop timide”. Je vais leur en mettre du trop timide, même si il est vrai que je préfère rester un brin sur le côté. Je n’aime pas les dragons. Je ne les aime pas du tout. Les ailes de pluie sont bien noble, mais nous ne sommes pas traités comme il se doit. Les autres ne sont que des brutes sans cervelles. Mais le pire : C'est les hybrides. Une énorme erreur de la nature, non mais franchement… Mais j’ai appris avec le temps à canaliser ma haine, je suis donc champion pour dissimuler mes pensées. C'est comme avec Sa Majesté Flora que je hais de tout mon cœur. Elle est si faible… Vous l’aurez compris, contrairement aux apparences, je n’ai pas un cœur en or. Mais je n’en suis pas pour autant agressif. Je sais que je ne suis pas très bon dans un combat loyal, voilà pourquoi je suis mort de peur lorsque je suis seul.

“Regardez comme il est mignon ce petit”

“Et il a de ces yeux !”

“Et de belles écailles vertes comme un kiwi”

“Oh il est à croquer”

Voici les premières paroles que j’ai entendues le jour de mon éclosions. De vraies piplettes ces nourisses. D’ailleurs, c'est pour cela qu’on m’as appelé Kiwi. Petite anecdote d'ailleurs : Je suis le dernier éclos de la nurserie. La reine s’était lassée de m’attendre, je suis donc né seul avec ces mégères autour de mon œuf.

J’ai passé mon enfance avec deux autres dragons de mon âge. D’aussi loin que je me souvienne, ils ont toujours été mes meilleurs amis. On jouait dans les arbres, on se posait au soleil, on volait des fruits… On était vraiment inséparables.

Il y avait aussi les cours de notre professeur, Chêne. Il prenait un groupe de quelques jeunes dragonnets et on y apprenait le camouflage, la sarbacane, le lancer de venin, le vol dans la jungle, comment trouver les fruits les plus juteux etc. Avec mes amis, on y allait. Mais pas pour apprendre. Tout ça, on savait déjà faire. Si on y allait, c'était pour voir les débutants se rater en beauté. De quoi pimenter nos journées !

Mon ptit préféré était Scarlatine. Un véritable incapable celui-là. J’aimais le tourmenter parce qu’au fond, il me ressemblait un peu. Tout petit, tout timide, tout seul… À bien y réfléchir, si je n’avais pas eu mes amis, j’aurais peut-être fini pareil… Alors pourquoi n’ais-je aucun regret à revoir son sang couler le long des griffes de celui qui était mon modèle, à entendre ses gémissements de douleur…

Malheureusement, la roue à fini par tourner. Un matin d’hiver, alors que mes amis et moi avions encerclé un jeune hybride perdu dans la forêt, alors que Brin l’avait entre ses griffes, on a entendu un rugissement dans la forêt. Je n’y ai pas fait attention. Personne ne s’en est aperçu de prime abord et notre leader à continué son manège. Soudain, une énorme dragonne du ciel a atterit au milieu de la clairière. Mes amis ont tous décampé, mais avant de partir, Brin à crié “C'était son idée !”. Étant le moins rapide de la bande, je ne me suis pas enfui à temps. La dragonne m’as jeté contre une pierre et son fils l’encourageait à me tuer. Si le père, un magnifique aile de Pluie, n’était pas intervenu, je ne serais plus là pour en parler. Ce jour, j’ai perdu ma dignité, mes “amis”, et j’ai ravalé ma méchanceté. J’ai appris de mes erreurs et surtout j’ai appris à ne plus faire confiance.

Des années plus tard, j’ai progressivement été engagé comme gardien du palais, puis garde personnel de la famille royale. On m’as choisi pour mes aptitudes au tir, venin ou sarbacane, plus que pour ma carrure. Mais jusque maintenant, je n’ai jamais failli à ma tâche. Je me souviens du jour où on a mis sous ma surveillance Feuillage, ce petit abruti tellement loyal à la reine qu’il en devient ridicule. Et qu’est-ce qu’il est nul en plus ! Je rêve du jour où il mourras. Où ils mourront tous. Le jour où une vraie reine monteras sur le trône. Mais ça, il vaut mieux ne pas le penser trop fort